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David UkaleqDavid Ukaleq, Le mercredi 25 novembre 2015
Grand angle

Découverte du Groenland-Est : sur les traces des Inuits d’Ammassalik

Cap sur la Côte Est du Groenland, région à la fois magnifique et isolée géographiquement du reste du pays. Mais à l’accès aujourd’hui relativement aisé, pour le plus grand bonheur du voyageur en quête de grands espaces et de nature sauvage. Premier volet de notre série sur le Groenland-Est où l’on découvre d’abord Tasiilaq, anciennement Ammassalik.
  • L’héliport de Tasiilaq, où arrivent tous les voyageurs en hiver.
    L’héliport de Tasiilaq, où arrivent tous les voyageurs en hiver.
  • En hélicoptère pendant le cours vol entre l’aéroport de Kulusuk et la ville de Tasiilaq.
    En hélicoptère pendant le cours vol entre l’aéroport de Kulusuk et la ville de Tasiilaq.
  • Les écoliers de Tasiilaq et leurs correspondants danois s’exercent à la sculpture en neige.
    Les écoliers de Tasiilaq et leurs correspondants danois s’exercent à la sculpture en neige.
  • La pente naturelle de la ville et les tas de neige rendent l’accès aux toits particulièrement aisé, même pour les plus petits.
    La pente naturelle de la ville et les tas de neige rendent l’accès aux toits particulièrement aisé, même pour les plus petits.
  • Un groupe de touriste assiste à séance de tambour chez Thomasine, dont l’intérieur de la maison est typiquement groenlandais.  | © Mads Pihl /Visit Greenland
    Un groupe de touriste assiste à séance de tambour chez Thomasine, dont l’intérieur de la maison est typiquement groenlandais. | © Mads Pihl /Visit Greenland
  • Tasiilaq la nuit depuis l'hôtel Ammassalik.
    Tasiilaq la nuit depuis l'hôtel Ammassalik.
  • Tasiilaq en été...  | © Mads Pihl /Visit Greenland
    Tasiilaq en été... | © Mads Pihl /Visit Greenland
  • Vue aérienne de Tasiilaq en été  | © Mads Pihl /Visit Greenland
    Vue aérienne de Tasiilaq en été | © Mads Pihl /Visit Greenland
SOMMAIRE
  • Introduction à la côte Est du Groenland.
  • Tasiilaq et les villages alentour
  • Art et culture : tupilaks, masques et tambour
  • Artisanat, shopping, où manger
  • Où loger : l’hôtel Ammassalik
  • Où loger : la Red House

La côte Est du Groenland marque l’extrémité orientale de l’immense région occupée par les Inuits, qui s’étend jusqu’au détroit de Bering, 5 000 kilomètres à l’ouest.
City Map interactive

Pour les excursions autour de Tasiilaq, voir la deuxième partie de notre article.

La Côte Est du Groenland, une région restée longtemps mystérieuse et isolée

La côte est occupe une place à part au Groenland un peu comme la région de Thulé à l'extrème Nord-Est. D'abord en raison de son contact tardif avec les Occidentaux. Contrairement à la cote ouest qui a été colonisée par les danois dès le 18ème siècle, la côte est est restée isolée jusqu'à la fin du 19ème siècle et la célèbre expédition de Gustav Holm (1884). Jusqu'alors les Amassalimiut - habitants de la région d’Ammassalik, du nom du fjord - n'avaient eu que des contacts sporadiques avec des marins européens ou islandais.

Aujourd’hui la côte est fait partie intégrante du pays mais la langue, cousine de celle parlée à l’ouest, y est néanmoins distincte et il existe aussi des différences culturelles bien marquées. Pour le voyageur européen l'accès le plus aisé est depuis longtemps via l'Islande alors que pour aller à l'ouest ou au sud du Groenland l'accès "standard" reste via Copenhague (Danemark) ; meme si Air Iceland offre de plus en plus de vols au départ de Reykjavik, notamment pour Ilulissat. Enfin les paysages, plus montagneux, et le climat sont eux aussi bien différents de ceux des villes de l’ouest aux memes latitudes. Tout ceci donne à la région un intérêt majeur.

Il faut aussi remarquer que la côte est du Groenland constitue l’extrémité est de l’immense région occupée par les populations esquimaux, inuites et yupik, dont les langues se rattachent toutes à une même famille. L’autre extrémité en est la péninsule tchoucktche, située quelques 5 000 km plus à l’ouest, du côté asiatique du détroit de Bering ! Celui-ci est le berceau de la culture archéologique de Thulé, dont sont issus les habitants actuels du Groenland. Ainsi malgré les distances impressionantes ces populations inuites présentent une homogénéite linguistique et culturelle remarquable.

Seulements deux endroits sont habités sur la côte est du Groenland : Tasiilaq, petite ville de 1 500 habitants plus environ 1 000 autres répartis entre les villages voisins, et Ittoqqortoormiit, un "gros village" de 500 habitants, 800 km plus au Nord et totalement isolé. 

 

  • Ces incroyables cartes tridimensionnelles en bois ont été collectées par Gustav Holm. Elles représentent plusieurs sections de la côte des environs d’Ammassalik. Sculptées par un inuk nommé Kuniit, elles sont aujourd’hui conservées au musée national de Nuuk. Image extraite du livre Topografisk Atlas Grønland (Det Kongeglige Danske Geografiske Selskab, 2000).

 

Sur les traces de Gustav Holm et de Paul-Emile Victor à Ammassalik

C'est seulement en 1884, lors de l'expédition de Gustav Holm, que les populations inuites de la région d'Ammassalik entrèrent en contact avec les Occidentaux - et avec les autres Groenlandais. Officier naval danois et explorateur, Holm partit de Copenhague en 1883 pour gagner le Sud-Groenland, d'où il allait, accompagné de 6 Européens et de 31 Groenlandais mener son expédition vers l'est. La côte Est a la particularité d'être encombrée par le pack de glace tout au long de l'année et Holm choisit d'utiliser des umiak pour cette navigation périlleuse.

Ces bateaux ouverts recouverts de peaux de phoque sont aussi appelés "bateaux de femme" car, contrairement au kayak utilisé pour la chasse, ils étaient essentiellement utilisés pour transporter femmes et enfants. Un des buts de l'expédition était aussi de vérifier si, comme on le croyait à l'époque, on pourrait trouver des vestiges d'une ancienne colonie norroise. En réalité, si les vikings avaient pu transiter par la région d'Ammassalik c'est seulement au sud et à l'ouest du Groenland qu'ils s'installèrent pour de bon. En revanche Holm et ses hommes allaient dénombrer 431 Inuits.

  • Kayaks et umiak près d’Ammassalik en 1889. Photo Th. N. Krabbe.

 

Par la suite les Danois installèrent un comptoir commercial et envoyèrent des missionaires luthériens pour convertir la population - qui continua néanmoins, quoique de manière clandestine, à pratiquer les rites shamaniques liées aux anciennes croyances esquimaudes. Pour autant le Danemark essaya d'éviter un "choc" culturel trop grand en limitant l'importation de machines et biens européens.

 C'est cependant un Groenland-Est déjà bien différent que découvrit, 50ans plus tard, la mission ethnographique de Paul-Emile Victor emmenée par le Pouquoi pas ?, le fameux navire du commandant Charcot (ce dernier devait périr seulement deux ans plus tard lors d'un naufrage tragique au large de l'Islande). Paul-Emile Victor et ses trois compagnons, Pérez, Matter et Gessain allaient hiverner avec les Inuits d'Ammassalik et en ramener une très importante documentation ethnolgraphique. Robert Gessain, à la fois médecin et ethnologue, devint plus tard directeur du musée de l'Homme et ne cessa de retourner dans cette région, en devenant le spécialiste incontesté.

En 1934 sort également le film Le Mariage de Palo, d'après un script de Knud Rasmussen, le fameux explorateur et ethnologue dano-groenlandais. Le film se situe clairement dans la lignée de Nanouk l’Esquimau, de Robert Flaherty (1922) même s’il est beaucoup moins célèbre. Il a été tourné entièrement dans le district d’Ammassalik, mettant un scène un mode de vie traditionnel qui déjà à l’époque appartenait au passé. L’intrigue est basée sur la rivalité de deux jeunes hommes, Palo et Samo, qui s’intéresse à la même femme Navarana. 

  • L’affiche du film Palo’s Brudefærd ("Le mariage de Palo") sorti en 1934.
  • Le mariage de Palo (Palo’s weeding).
  • Couverture du livre Inuit, recueil de photos par Robert Gessain. Editions La Martinière.

 

Le nom Ammassalik signifie littéralement "là où il y a des capelans" car le fjord était réputé pour son abondance en capelans, des poissons dont l’habitat comprend l'Atlantique Nord et l'Océan arctique.
Carte de la région d’Ammassalik © Nunagis

Tasiilaq et les villages alentour

L'actuelle ville de Tasiilaq fut renommée en 1997. Elle était jusqu'alors connue sous le nom d'Ammassalik (ou Angmagsalik) depuis sa fondation en 1894 quand on y installa un comptoir commercial. Le nom Ammassalik signifie littéralement "là où il y a des capelans" car le fjord était réputé pour son abondance en capelans, des poissons dont l’habitat comprend l'Atlantique Nord et l'Océan arctique. Aujourd'hui Ammassalik reste le nom de l'île sur laquelle est établie la ville de Tasiilaq, ainsi que celui du fjord à l'ouest de celle-ci.

De tous les villages à l'entour, le seul qui ne se dépeuple pas est Sermiligaaq, le plus éloigné de Tasiilaq. Donnons quelques informations pour chacun d'entre eux en allant d'est en ouest :

  • Isortoq est situé à seulement 5km de l'inlandsis et cette proximité en fait le point de départ ou d'arrivée de nombreuses expéditions qui traversent la calotte glaciaire. Le vol en hélicoptère qui y mène est également réputé offrir de très belles vues. Le nom signifie littéralement "eau trouble" ou "boueuse" et fait référence à la grande quantité de sédiments chariés par le glacier qui se déverse dans la mer au nord du village. On avait l'habitude de dire que l'eau était si trouble que les hommes en kayak ne pouvaient distinguer leur pagaie une fois celle-ci plongée dans l'eau. Un mini-reportage à Isortoq sur le site National Geographic : We are What We Eat: In the Arctic it’s All About Meat

  • Tiniteqilaaq (ou dans la langue est-groenland Tiilerilaaq) est situé à une trentaine de km à vol d'oiseau de Tasiilaq ; nous y sommes allés en motoneige et vous renvoyons à notre prochain article sur les activités hivernales autour de Tasiilaq pour plus de détails.

  • Kulusuk : le village de Kulusuk est situé sur l'île du même nom qui abrite aussi l'aéroport du district (tous les autres villages et la ville Tasiilaq sont desservis en hélicoptère depuis l'aéroport). Le nom original de Kulusuk était Qulusuk, dont le "q" initial a un son guttural qui tend vers le "r". Mais les Danois avaient tellement de mal à le prononcer qu'on préféra changer le nom du village pour l'adapter à la prononciation danoise ! L'aéroport actuel est une ancienne base américaine, construite en 1958 pendant la guerre froide, au même moment que furent installées les stations de surveillance DYE (wikipedia) sur l'inlandsis. La présence américaine a fortement influencé le mode de vie local. Lors de mon séjour à la Red House j'ai d'ailleurs eu l'occasion de rencontrer un groenlandais originaire de Kulusuk dont le père était un soldat américain stationné à la base.

  • Kuummiut a été fondée en 1915 par des missionnaires sur le site d'un campement inuit. La population de Kuummiut a brusquement augmenté en 1965 quand il fut décidé d'y reloger la plus grande partie de la population du village de Skjoldungen (google maps, nunagis), sur une île située à plus de 300 kilomètres au sud de Tasiilaq qui avait pourtant été fondé seulement 27 ans plus tôt.
    Kuummiut abrite aujourd'hui la seule usine de conditionnement de poisson du Groenland Est. La compagnie Travellodge de Lars Anke Moeller y offre une maison à louer et y organise des excursions en bateaux pendant l'été. Le site kuumiut.com comporte de nombreuses photos.

  • Sermiligaaq : Le mot sermilik désigne généralement un fjord dans lequel se déverse un glacier. Ici le suffixe -gaaq qui s'y ajoute signifie "beau". Car Sermiligaaq est effectivement situé dans un site particulièrement majestueux, où deux grands glaciers convergent vers le fjord : le glacier Knud Rasmussen et le glacier Karâle.
  • Des pêcheurs devant le front du glacier Knud Rasmussen, à l’extrémité du fjord de Sermiligaaq. Le village du même nom est situé une vingtaine de km plus au sud. © Mads Pihl / Visit Greenland
  • Vue de Kuummiut. © Mads Pihl / Visit Greenland
  • Ski dans les environs de Kuummiut. © Mads Pihl / Visit Greenland
  • Vue sur Tasiilaq depuis une des collines alentour.  © Yonder
Il faut bien comprendre que tous les tupilaks qui ont été créés depuis l'arrivée de Gustav Holm en 1884 sont en réalité des représentations, destinées aux Européens, de ce qu'étaient les tupilak traditionnels

Art et culture

Le petit musée de Tasiilaq est certainement un des plus intéressants du Groenland, après bien sûr le musée national de Nuuk. Il est relativement récent puisqu'il a ouvert en 1990, dans l’ancienne église de la ville. La nouvelle église, de forme pentagonale, a été consacrée en 1986 et son intérieur vaut le coup d’oeil, avec ses murs, plafonds, et autel décorés par l’artiste groenlandaise Aka Høegh. Outre la collection d'objets, le musée possède une importante archive photographique que son dynamique directeur a entrepris de digitaliser tout en invitant les habitants de Tasiilaq à fournir des informations sur l'identité des personnes photographiées. Vous y verrez des vêtements traditionnels, kayaks, traineaux et modèles de traineaux, harpons, outils, etc. Les objets les plus "iconiques" de l'art du Groenland-Est sont certainement les tupilaks et les masques. Mentionnons également les paniers et boites en bois, eux aussi typiques d’Ammassalik, décorés d'inserts en ivoire et parfois surmontées aussi de figurines d’animaux. Ces boîtes servaient à ranger de petits objets tels que perles, boutons, décorations en ivoire, etc.

Les tupilaks

Aujourd'hui un tupilak désigne une figurine en os ou en bois de renne (parfois en bois et plus rarement en ivoire marin à cause de la réglementation sur les espèces protégées), particulièrement populaire comme souvenir, qui représente un être monstrueux au visage grotesque, typiquement hybride de plusieurs animaux. Mais d'où viennent les tupilaks ? Il faut bien comprendre que tous les tupilaks qui ont été créés depuis l'arrivée de Gustav Holm en 1884 sont en réalité des représentations, destinées aux Européens, de ce qu'étaient les tupilak traditionnels. Ces derniers, qui n'ont d'ailleurs jamais été observés, consistaient en un assemblage d'os humains et animaux, enroulés dans une peau auquel un rituel magique donnait vie, le transformant en une créature monstrueuse destinée à tuer un ennemi. Avec toutefois un danger : celui que le tupilak se retourne contre son créateur si l'ennemi auquel il est destiné est spirituellement plus puissant. Les premières figurines furent créées à des fins “pédagogiques”, pour montrer aux Européens ce qu’étaient les “vrais” tupilak. Mais bientôt ils allaient être sculptés pour être vendus, comme c’est encore le cas aujourd’hui.

  • Un tupilak au musée de Tasiilaq, en bois comme ils l’étaient le plus souvent au début du 20ème siècle.
  • Tupilak en bois au musée de Tasiilaq.
  • Un tupilak contemporain par l’artiste Gideon Qeqe.

 

Les masques

D’après Dance Masks of Ammassalik (East Coast of Greenland), Robert Gessain and Dorothy Jean Ray Arctic Anthropology 1984 Vol. 21, No. 2,1984)

Si la tradition des masques n'est pas unique au Groenland-Est, elle a cependant disparu de la côte ouest dès le 18ème siècle grâce au zèle des missionnaires. A l'est elle s'est maintenue de manière semi-clandestine après l'arrivée de Gustav Holm : les groenlandais prétendaient qu'il s'agissait simplement de jouets pour effrayer les enfants, afin d'éviter la suspicion des missionnaires. Mais quand Robert Gessain et ses collègues hivernent en 1934 ils savent gagner la confiance des Inuits pour en apprendre plus sur la véritable fonction de ces masques. Gessain collecte de nombreux masques qui sont aujourd'hui dans les collections du musée du Quai Branly.

Ces masques de danse, le plus souvent en bois de flottage et plus rarement en peau dépilée, étaient utilisées dans les jeux uâjêrtut, pratiqués dans les maisons d’hiver. Ces jeux mettaient en scène personnages légendaires ou esprits assistants des shamans, qui dansaient et chantaient au son du tambour. Les masques les identifiaient par des traits caractéristiques. Par exemple Qaailangerseq “celui qui fait du bruit avec un os entre ses dents” était un homme qui d’après la tradition s’était mis à danser avec un os de phoque dans la bouche. Il est représenté par un masque à la bouche et aux joues déformées, comme le seraient ceux de quelqu’un ayant un morceau de bois dans la bouche (“mors de danse”). Faire des grimaces était d’ailleurs une activité favorite des Ammassalimiut, qui pouvaient ainsi imiter animaux, amis, ou êtres imaginaires à des fins comiques. Les danseurs portant les masques interagissaient avec le public et ces jeux avaient parfois un caractère ouvertement sexuel. On comprend aisément que cela n’eût pas été du goût du pasteur… Aujourd’hui les masques sont uniquement faits pour être vendus.

  • Masque en peau dépilée et fourrure collecté pendant les expéditions françaises au Groenland dirigées par Paul-Emile Victor. | © Musée du Quai Branly
  • Photo prise par Robert Gessain.
  • Un masque en bois au musée de Tasiilaq.

 

Le tambour et les chants

Le tambour n'était pas seulement utilisé pendant les uâjêrtut, mais accompagnait pratiquement tous les chants des Ammassalimiut, à l’exception des berceuses pour enfants (Hauser, 1986 ), qu’ils soient à vocation religieuse, comme dans les séances shamaniques, ou simplement récréatives. L’usage du tambour est en fait répandu dans l’ensemble de l’arctique depuis la Sibérie et l’Alaska juqu’à Ammassalik. Particulièrement notable est son utilisation dans les fameux duels vocaux. Là aussi, il s’agit d’une tradition qui a perduré jusqu’au milieu du 20ème siècle sur la côte est du Groenland alors qu’elle a disparu de la côte ouest au 18ème siècle, et qui était également commune aux Inuits d’Amérique du Nord. Ces duels avaient pour but de régler des différends entre groupes ou individus, chacun des adversaires chantant en tambourinant pour ridiculiser l’adversaire. Ils pouvaient durer plusieurs heures jusqu’à ce qu’un vainqueur fût clairement identifié. Les passions trouvaient ainsi un exutoire en évitant le recours à la violence.

Aujourd’hui chant et tambours ont perdu leur fonction sociale ou religieuse mais ils sont toujours pratiqués par certains Inuits à la fois dans le but de perpétuer cette tradition ancienne et comme divertissement culturel pour les touristes. Ainsi il est possible d’aller assister à une séance de tambour dans la maison de Thomasine à Tasiilaq (voir photo). Des démonstrations de tambour ont parfois aussi lieu à Kulusuk pendant l’été, où sont organisées des excursions à la journée depuis Reykjavik (voir la vidéo). 

L'artisanat aujourd'hui

Il existe aujourd’hui une production artisanale très abondante, principalement à destination des touristes mais pas exclusivement. Pour l’anecdote, je me souviens avoir rencontré en ville une Groenlandaise de la côte ouest avec qui j’avais échangé quelques mots à l’hôtel. Elle m’avait montré, très enthousiaste, les boucles d’oreille qu’elle venait d’acheter à la boutique de l’office de tourisme. « On ne trouve pas ce style sur la côte ouest » m’avait-elle expliqué.

On trouve ainsi un grand nombre de bijoux et petites figurines. Si vous êtes intéressé par leur production, vous pouvez aller visiter l’atelier « Stunk » (voir carte interactive de la ville) et voir des artisans à l’ouvrage. Quelques pièces sont vendues sur place mais il n’y a pas d’inventaire à proprement parler.

Un choix plus important, tant en terme de quantité que de qualité, vous attend à l’office du tourisme et à la Red House, sans oublier la boutique de l’hôtel Angmagsalik et celle du musée. Si bien sûr une bonne partie des tupilaks ou masques produits aujourd’hui sont relativement stéréotypés certains, par leurs qualités plastiques et expressives, se hissent au-dessus, comme ceux de l’artiste Gideon Qeqe qui a eu la gentillesse de m’accueillir chez lui.

Mentionnons enfin les articles de maroquinerie, comme des porte-monnaies décorés de motifs traditionnels ainsi que divers objets en peau de phoque (ours en peluche, pouf, etc.). Ceux-ci sont fabriqués dans un atelier de couture qui se trouve près de l’héliport.

Shopping

En ce qui concerne les courses ordinaires, le grand supermarché Pilersuisoq est le principal point de ravitaillement de la ville, pas seulement pour la nourriture mais pour tous les autres achats : vêtements, électroménager, fournitures pour la chasse ou la pêche, etc. La boulangerie vend du pain frais, des viennoiseries, des gâteaux aussi. Plusieurs distributeurs de billets.

Un plus petit supermarché se trouve près de la poste et est donc nettement plus près de la Red House ou de l'hôtel. Dans l'entrée se trouve un distributeur de billet et il a aussi sa boulangerie. Il y a ensuite quelques épiceries de proximité, l'une se trouve le long du chemin entre la Red House et la ville. Une autre dans une maison dont l'enseigne est celle... d'un magasin d'électronique.

Boire et manger

Près du port se trouve une pizzeria qui appartient à l'hôtel Ammassalik. Avec ses fenêtres fermées à l'heure du déjeuner il ne faut certes pas être trop claustrophobe (il semble que l'établissement fasse d'avantage de chiffre avec la vente à emporter). Mais si vous voulez manger sans vous ruiner tout en restant à proximité du "centre-ville" ca n'est pas une mauvaise option. Le principal supermarché sert aussi des snacks au comptoir.

Une alternative bienvenue : le café-librairie Neriusaaq ("Arc en ciel"), ouvert tous les jours de 12h à 17h. Outre les livres en danois et groenlandais, il propose une sélection de livres en anglais, francais et allemand. On y sert du vrai café, et m'explique sa propriétaire Gerda, les clients qui veulent des café plus "luxueux" peuvent aussi commander Café Latte ou Cappuccino. On peut aussi y commander pizza et autres snacks microondables.

A proximité de la pizzeria se trouve un bar, essentiellement fréquenté par les locaux. Si vous y allez, soyez conscient qu'une large partie de la clientèle sera probablement très imbibée. Pour être complet, mentionnons qu'il y a aussi des hot dogs dans la buvette à l'étage du gymnase.

  • L’artiste Gideon Qeqe montrant le catalogue du Museum Volkenkunde de Leiden auquel figure un de ses tupilaks
  • Un aileron de baleine sculpté et la pièce d’icoire de narval dont il est issu.
  • Gideon Qeqe à l’ouvrage dans le petit atelier qui n’est autre que l’entrée de sa maison.
  • Une couturière découpe des morceaux de peau de phoque pour assembler un teddy bear.
Eric, jeune canadien de Iqaluit, Nunavut et Dixie, explorateur belge, attendaient eux aussi de pouvoir commencer leur expédition, une boucle de plus de 4 000 km sur la calotte glaciaire effectuée en ski à voile !

Où loger ?

Tasiilaq compte deux principaux établissements, l'hotel Ammsassalik et la Red House mais aussi un certain nombre d'appartements qui peuvent etre loués à la nuit et représentent donc une véritable alternative.

L'hôtel Ammassalik

C'est le seul hôtel à strictement parler. Il offre la plupart des services d'un hôtel de cette catégorie. Sa situation en hauteur offre une très belle vue sur la ville, le fjord et bien sur les montagnes environnantes. La contrepartie est que le chemin qui y mène depuis la ville est particulièrement escarpé ! Toutefois on viendra vous chercher et vous reconduire à l'aéroport dans un hummer ou autre 4x4 et pendant le séjour il est en général possible de se faire déposer (gracieusement) ailleurs dans la ville, si le personnel est disponible. On soulignera aussi la serviabilité du staff.

Le lobby et la partie restaurant ont été rénovés récemment et offrent un cadre au design très agréable, mêlant des éléments typiquement groenlandais comme les peaux de phoque à un décor contemporain. On appéciera particulièrement de pouvoir s'attarder au coin du feu si une météo peu clémente nous oblige à rester à l'intérieur plus longtemps qu´on ne le souhaiterait... C'est aussi le seul endroit de la ville avec Neriusaaq (voir plus haut) où on peut boire un vrai cappuccino.

Les chambres sont confortables mais n'ont malheureusement pas bénéficié du même coup de jeune que les parties communes. Toutefois c'est surtout la taille des chambres standards qui constitue à nos yeux le plus gros revers. Celles-ci sont petites et nous vous conseillons les chambres supérieures si vous avez besoin de plus d'espace. Ces dernières se situent dans un second bâtiment plus élevé et relié au premier par un large escalier. En ce qui concerne la vue, pas de soucis, toutes les chambres sont orientées vers la ville et par beau temps elle est absolument superbe !

Le restaurant offre un buffet midi et soir mais assez étonnamment dans une culture (danoise on veut dire ici) qui privilégie traditionnellement le dîner, le buffet nous a davantage convaincu le midi, tant en terme de qualité que de choix. Mais il est vrai que notre séjour a eu lieu au printemps, avec une offre très simplifiée par rapport à la haute saison.

  • Une aquarelle représentant l’hôtel Ammassalik en hiver.

 

Peu de touristes au printemps mais des rencontres passionnantes

A n'en pas douter l'hôtel fait le plein de touristes en été. Mais au printemps il y en a peu, et l'établissement donne parfois l'impression de tourner au ralenti. Sauf quand il est soudain envahi par une classe de petits danois dont le vol de retour a été repoussé pour cause de météo ! Car l'école de Tasillaq est jumelée depuis une vingtaine d'années avec celle d'une banlieue huppée de Copenhague. J’ai ainsi pu discuter avec leur sympatique prof qui revenait à Tasillaq pour la énième fois et m'a raconté de nombreuses anecdotes. Non moins passionnantes furent les autres rencontres. Comme celle de deux jeunes scientifiques français et d'un prof de l'université de Salt Lake City (Utah, États-Unis) qui venaient faire des relevés sur la calotte glaciaire. Ils durent attendre plusieurs jours l’hélico qui les amènerait à leur camp de base sur l'inlandsis.

Ca n'était pas les seuls à attendre désespérément un hélico. Eric, jeune canadien de Iqaluit, Nunavut et Dixie, explorateur belge, attendaient aux aussi de pouvoir commencer leur expédition, une boucle de plus de 4 000 km sur la calotte glaciaire effectuée en ski à voile ! Mais j'y ai croisé aussi des travailleurs sociaux venus de Nuuk, la capitale, avec qui j'avais une connaissance commune : Juannna, qui fut à la fois pasteur et institutrice à Qaanaaq et Siorapaluk. Et dans un genre bien différent, un petit groupe venu faire de l'héliski. C. chef d'entreprise suisse fortunée était venue avec deux amis, deux guides et leur pilote d'hélico islandais, Sigridur, prêt à décoller à tout moment quand la météo offre une opportunité d'aller faire quelques runs. Ou encore pour aller vérifier si la bouteille de Dom Pérignon avait été livrée à l'aéroport de Kulusuk. Le reste du temps Sigridur pilote un superpuma pour des opérations de sauvetage en mer ou bien effectue d’autres vols privés comme... le transport d’équipes de tournage pour le film Walter Mitty. Bref une clientèle très hétéroclite !

  • L’hôtel Ammassalik dans la nuit.
  • Le coin salon du lobby de l’hôtel Ammassalik.
  • La salle du restaurant avec ses éléments de décoration typiques : peaux de phoque, kayak, masques et dent de narval.
  • Vue depuis l’hôtel à la tombée de la nuit.
Mais le highlight de la Red House est certainement son dîner en 3 plats, qui fait la part belle aux ingrédients locaux... cuisinés et servis par des locaux ! Car Robert Peroni met son point d’honneur à employer des groenlandais(es).

La Red House

La Red House de Robert Peroni est assez inclassable. A l’origine conçue pour offrir un hébergement simple et bon marché aux routards de l’Arctique, l'établissement propose aujourd'hui dans une maison située un peu plus bas des chambres supérieures dont le confort les placent en concurrence avec l’hôtel. Celles-ci sont aménagées de manière simple mais sont spacieuses et modernes, avec un séchoir chauffé dans la salle de bain, particulièrement pratique à ces latitudes, une penderie assez grande pour accueillir les parkas les plus encombrantes et un accès internet Wi-Fi gratuit ! Et il faut le souligner cela est exceptionnel au Groenland où la norme est plutot de vous facturer 100 couronnes pour 2 heures de connexion assez lente... Autre avantage de la Red House, la possibilité d’y louer skis ou raquettes. Il est également possible d’organiser des excursions en traineau.

Le bâtiment principal, la fameuse maison rouge, accueille la salle à manger ainsi que les chambres les plus simples qui ouvrent directement dessus - attention à peine plus grandes que le lit ! Et c'est ici que Robert Peroni a su donner aux lieux une personnalité bien particulière. Un impressionant ensemble de kamiks (bottes en peau de phoque) et autres vêtements traditionnels orne la salle tandis que dans les vitrines souvenirs et objets d'artisanat (entre autres des tupilaks) disponibles à la vente côtoient d'autres objets vintage issus de la collection du propriétaire. Un coin biblitothèque offre un espace pour prendre le café avec les autres hôtes. Mais le highlight de la Red House est certainement son dîner en 3 plats, qui fait la part belle aux ingrédients locaux... cuisinés et servis par des locaux ! Car Robert met son point d'honneur à employer des groenlandais(es) et à contribuer ainsi au développement de Tasiilaq où chomage et problèmes sociaux sont, hélas, parmi les plus aigus au Groenland.

Les recettes sont en partie d'inspiration italienne ou méditerranéenne, et utilisent plus de 15 sortes de légumes séchés importés pendant l'été avant d'être "réhydratés" pour terminer dans nos assiettes ; où ils accompagneront des produits typiquement groenlandais tels que boeuf musqué, renne, hors d'oeuvre de matak, ce lard de baleine si prisé des Inuits. Ceux-ci sont achetés à des pêcheurs ou chasseurs dûment licensiés, m’explique Robert. Le dessert nous a supris plus d'une fois avec par exemple une crème accompagnée d'un marron glacé ! Un marron glacé à Tasiilaq, qui donc aurait pu s’y attendre ? De la salle à manger on aperçoit l’extrémité du fjord de sorte que, sans avoir une vue panoramique comme à l'hôtel, on peut aussi profiter du paysage.

  • Une très belle vue depuis la salle à manger de la Red House © Mads Pihl / Visit Greenland

 

Des groupes de touristes y côtoient des habitués et autres routards de l’Arctique

Ici, avant tout des touristes, ce qui a aussi des avantages : nous avons en commun de vouloir visiter les environs de Tasiilaq, que ce soit en raquettes, traineau ou éventuellement en motoneige mais sans disposer d'un hélico privé ! La majorité sont des groupes germanophones (rassurez-vous vous pourrez toutefois parler anglais avec la plupart d’entre eux), même si la Red House travaille aussi avec des agences françaises ou italiennes. La Red House a aussi ses afficionados, des voyageurs individuels qui pour certains reviennent pour la 7 ou 8-ème fois ! J’y ai ainsi croisé une graphiste allemande qui y avait établi son "home office" pour 6 semaines. Plus aventurier, un jeune suisse qui voulait traverser la calotte glaciaire avec un vélo pourvu de pneux cloutés... et d’un ski. Un groupe de français, qui tous les ans écume l'Arctique, et passait sa dernière nuit au Groenland sous un toît après 2 semaines de randonnée à ski et pulka. Et aussi des locaux qui venus des villages environnants avaient besoin de passer la nuit à Tasiilaq avant de prendre l'avion le lendemain.

  • Peau d’ours tendue dans la salle à manger de la Red House.
  • La magnifique collection de kamik (bottes en peau de phoque) et vêtements traditionnels de Robert Peroni décore la Red House.
  • La Red House en été, Tasiiilaq.
  • Les chambres supérieures sont spacieuses et la penderie accueille les parkas les plus encombrantes... malheureusement trop chaudes pour les températures enregistrées pendant notre séjour !).
Crédit Photo © YONDER / DB - sauf mention particulière
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