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David UkaleqDavid Ukaleq, Le mercredi 25 mars 2015
Grand angle

Découverte des Îles Féroé, entre paysages fascinants et nature intacte

Peu connues du grand public, ces îles perdues au milieu de l'Atlantique ont pourtant beaucoup à offrir au voyageur. Paysages dignes de Tolkien, falaises abruptes, oiseaux marins qui tourbillonent dans les airs par centaines... Elles viennent d’ailleurs de terminer à la première place dans le classement "Best of the World 2015" des lecteurs du National Geographic. Notre mini-guide en forme de récit.
  • Collage panoramique.
    Collage panoramique.
  • Au dessus de la chute de Bøsdalafossur, à l’extrémité du lac de Leitisvatn. © Yonder / DB
    Au dessus de la chute de Bøsdalafossur, à l’extrémité du lac de Leitisvatn. © Yonder / DB
Les îles Féroé, Føroyar dans la langue locale, sont les "îles du mouton".

Les îles Féroé ou Føroyar dans la langue locale, le féroïen, sont situées à peu près à mi-chemin entre la Norvège et l’Islande, ou encore entre les îles Shetland et l’Islande. On est donc ici en territoire viking et en effet la première syllabe du mot viendrait du vieux norrois fær, qui signifie mouton. Les îles Féroé sont donc littéralement “les îles du mouton”, ce qui n’étonnera personne car les ovidés sont présents absolument partout sur l’île !

Les archéologues nous disent que les îles auraient déjà été habitées à au moins deux reprises, vraisemblablement par des moines irlandais, avant l’arrivée des Vikings vers l’an 800 de notre ère. Ces derniers sont les ancêtres de la population actuelle, et la langue féroïenne descend du vieux norrois. Ces Vikings ne sont d’ailleurs probablement pas arrivés directement de Scandinavie mais plutôt des Shetland justement, des Orcades et du nord de l’Ecosse. Les études génétiques pointent vers une origine mixte, scandinave et celtique à la fois.

Aujourd’hui les Féroé sont un territoire autonome du Danemark, un peu comme le Groenland, mais elles bénéficient de ce statut depuis plus longtemps. Notez que contrairement au Danemark, elles ne font pas partie de l’Union Européenne. Elles comptent environ 45.000 habitants.

En photo dans Atlantic Review, des vagues atteignent le haut des falaises 30 mètres plus haut !

Arrivée aux îles Féroé

Cela faisait déjà quelques années que je voulais visiter les Féroé. Peut être en arrivant par la mer, dans un voyage qui me ferait passer passer par les Shetland et à destination de l’Islande sur les traces des Vikings. Mais le ferry actuel partant de Hirtshals, Danemark j’ai finalement choisi la facilité en prenant l’avion depuis Copenhague.

Le vol dure environ deux heures mais c'est assez pour engager la conversation avec ma voisine. C'est l'occasion de se rendre compte que les Féroé sont, comme on dit, un grand village. Cette jeune féroïenne est étudiante à Copenhague mais rentre régulièrement à Tórshavn. Son père est numéro deux sur le ferry qui relie Tórshavn, la capitale, à l'île de Suðuroy, la plus au sud et la plus éloignée du reste de l´archipel. Une des plus intéressantes aussi même si je n´aurai finalement pas le temps de m'y rendre. Et son ami, un artiste originaire du Minnesota, vit aux Féroé et a d'ailleurs exposé à la Nordic House (voir plus bas).

Une photo dans le magazine de vol Atlantic Review retient mon attention. Prise par un pilote d'hélicoptère pendant une tempête d'une force extraordinaire, elle montre des vagues déferlant contre la côte, l’eau atteignant le haut des falaises 30 mètres plus haut ! Le site est celui-ci du bord du lac de Leitisvatn, juste à l'est de l'aéroport, que nous survolons avant d’atterrir, dans une météo heureusement plus clémente. J’irai y randonner le surlendemain.

L’aéroport se situe sur l’île de Vágar (prononcez Vo-ouar). Un tunnel sous-marin la relie aujourd’hui à l’île voisine de Streymoy où se trouve la capitale Tórshavn. En pratique l’aéroport est donc à 45 minutes de route de la capitale, trajet qu’on pourra faire en bus ou bien sûr en voiture de location.

Vágar présente un intérêt touristique certain et l’hôtel situé à proximité de l’aéroport est confortable mais pour cette première après-midi j'ai choisi d´aller directement à Tórshavn, pour en explorer le centre-ville, quitte à refaire le même chemin en sens inverse le lendemain. Dans le bus je regarde défiler ce paysage qui tour à tour, et selon les apparitions du soleil, semble bucolique ou mystérieux, voire un brin inquiétant, donnant parfois l’impression qu’on va y voir surgir des créatures fantastiques dignes d'un roman de Tolkien.

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Chez Guðrun & Guðrun, le sweater de Sarah Lund dans la série The Killing.

Shopping à Tórshavn

En descendant du bus à Tórshavn je réalise qu’un jeune Chinois, résidant à Vancouver et étudiant à Oslo pour un an, se rend dans le même hotel que moi. Nous sympathisons et ferons les trois premiers jours de visite ensemble. Après avoir posé nos affaires, nous partons à la découverte de la ville. Avec ses 15.000 habitants environ le centre commercant est de dimensions modestes.

Nous prenons le goûter dans le café Handil og Kaffi. Une photo de Bill Clinton, qui y a fait halte en 2007 et y a trouvé le café very tasteful y trône fièrement. Le café vend également des objets d’artisanat et bien sûr des vêtements en laine ! Cette acivité de vente a en fait une vocation sociale puisque les objets sont fabriqués par des gens qui pour des raisons diverses, handicaps physiques ou mentaux entre autres, n’ont pas accès au marché du travail ordinaire. Vous ferez donc une bonne action en y achetant vos souvenirs. Nous évoquons avec la serveuse la série danoise à succès Forbrydelsen, plus connue internationalement comme The Killing. L’héroïne Sarah Lund y porte un chandal Féroïen.

L’original est en vente chez Guðrun & Guðrun (Niels Finsensgøta 13) . Si le chandail en laine féroïen évoque une certaine rusticité, la marque crée par ces deux femmes féroïennes est résolument orientée vers le design. La laine provient à 100% des moutons féroïens et le gros de la confection est répartie entre les îles Féroé bien sûr et Pérou et Jordanie, où la firme emploie des femmes dans le cadre d’un projet social ayant pour but l’émancipation par le travail.

Encore plus près d’ici, Sirri (Áarvegur 12) vend également une large gamme de vêtements et accessoires en laine féroïenne, au design plus classique mais avec une qualité toujours au rendez-vous.

Voir en plein écran.

Le lendemain le temps est à la pluie. Après un tour en ville et un déjeuner rapide chez Etika, qui est spécialisé dans les sushis mais offre également salades et sandwiches, nous hésitons sur le programme de l’après-midi. Avec un temps meilleur nous aurions probablement pris le ferry pour aller nous promener à Nólsoy, la petite île située juste en face de Tórshavn.

La ferme de Roykstovan est habitée par la même famille depuis 1550.

Nolsoy

On y accède via un ferry de passagers : la plus longue route sur Nolsoy n’excède guère les 2 km et il n’y a aucune route en dehors de la partie nord où se situe l’unique Nólsoy, typique des villages féroiens malgré sa proximité avec la capitale. 

La traversée dure 20 minutes et permet de profiter d’une vue d’ensemble de Tórshavn. La principale attraction du village est certainement l’atelier-boutique-musée du naturaliste et taxidermiste Jens-Kjeld Jensen. Quantité d’animaux et surtout oiseaux féroiens sont représentés et si vous avez oublié vos jumelles, ce sera votre chance d’observer des oiseaux de très près ! Passionné par tout ce qui touche à la nature, il a recu plusieurs récompenses pour son engagement en faveur de la protection de l’environnement. Il propose aussi des tours pour aller observer la plus grande colonie de pétrels-tempête du monde sur la côte-est de l’île.

Le phare de Bordan situé au sud-est de l’île constitue un intéressant but de randonnée (compter 4-5 heures aller-retour). Par beau temps, il est également possible de se faire déposer en bateau et de faire le trajet de retourn à pied en réservant à l’office de tourisme. A l’époque de sa construction, à la fin du 19ème siècle, le phare avait l’une des plus grandes lentilles du monde (2,82m de diamètre).

Nolsoy est également connu pour être, comme son nom l’indique, l’île d’origine du héros national Nólsoyar Páll (1766-1808) qui a milité pour l’abolition du monopole royal (danois) sur le commerce avec les Féroé. Celui-ci appauvrissait les habitants et était particulièrement impopulaire. Páll avait presque réussi à convaincre le prince héritier Frederik mais la guerre avec l’Angleterre repoussa la fin du monopole à 1856, bien après sa mort en mer qui pourrait bien en réalité être un assassinat.

Le site historique de Kirkjubøur

Mais nous décidons d’aller chercher la voiture de location que j'ai réservée et prenons la direction de Kirkjubøur à seulement 8 km au sud de Tórshavn. Pour les plus courageux, le chemin peut se faire à pied en montant la colline au sud de Torshavn, d'ou on profitera d'abord d'une belle vue sur Torshavn et Nolsoy, puis dans l'autre direction sur les îles voisines de Sandoy, Hestur et Koltur, avant de redescendre vers Kirkjubøur. Si vous y allez en voiture, la route qui mène à Kirkjubøur est aussi celle de l’embarcadère du ferry pour Sandoy.

Kirkjubøur est LE site historique des Féroé. La cathédrale Saint Magnus, de style gothique, y date du 11ème siècle. Il n'est pas très clair si elle a jamais eu un toit mais elle est aujourd'hui protégée des intempéries par une armature en métal. A côté de la mer, une autre église, St Olav, dont les origines sont également très anciennes mais qui a été rénovée ou partiellement reconstruite plusieurs fois. C'est là que se trouvaient de magnifiques bancs sculptés des années 1400 représentant les apôtres, véritable trésor des Féroé aujourd’hui exposé au Musée National. Finalement la ferme en bois, Roykstovan, est continuellement habitée par la même famille depuis 1550, ce qui en fait la plus ancienne maison en bois habitée d´Europe. La partie historique, qui date aussi des années 1100, est aménagée en musée et ouverte au public.

Eclaircie sur Sørvágsfjørður

Le soir je refais en sens inverse la route pour Vágar car je souhaite commencer la journée assez tôt le lendemain et ai réservé une chambre au 62°N Airport Hotel. Dîner au restaurant de l’hôtel où  l’on me sert un plat de poisson de très bon aloi. Le soleil ayant percé à travers les nuages je décide de ressortir pour profiter un peu de la lumière chaude de la soirée. Après avoir traversé Sørvágur, la petite ville située immédiatement à l’ouest de l’aéroport, je prends la route qui surplombe Sørvágsfjørður ou fjord de Sørvágur et passe l’adorable village de Bøur. Je stoppe non loin de là pour admirer le panorama.

  • A l’intérieur de la Roykstovan. Kirkjubøur.
  • Cimetière de l’église Saint Olaf à Kirkjubøur.
  • Vue panoramique de Sørvágsfjørður.
  • Route près de Miðvágur sur l'île de Vágar.
Pendant 50 ans le postier Henriksen a fait le chemin trois fois par semaine.

Une journée à Vágar : le Leitisvatn et la “route postale” de Gásadalur 

 

Le lendemain matin je retrouve mon compagnon chinois et nous démarrons la journée par une randonnée le long de Leitisvatn, déjà aperçu depuis l’avion. Ce lac d'origine glaciaire a une double particularité. Son nom dépend de la rive sur laquelle on se trouve ! A l’ouest on le nomme Sørvágsvatn ou lac de Sørvágur tandis qu'à l'est il est connu sous le nom de Leitisvatn. Ensuite il s’en est fallu de peu que ce lac d’origine glaciaire ne fût un fjord. Si sa surface se trouve une trentaine de mètres au dessus du niveau de la mer sa profondeur maximum est de presque 60 mètres. Mais il ne communique pas avec la mer car son extrémité se trouve à une centaine de mètres de la côte, sur lesquelles s'écoule, entre des pierres basaltiques, un ruisseau alimenté par le trop-plein du lac. Celui-ci se déverse dans la mer en la chute d'eau de Bøsdalafossur. Juste à l'est le promontoire rocheux de Trælanípa se termine de manière abrupte en une falaise de 140 mètres. Comptez une bonne heure pour faire le chemin depuis la route et soyez très prudent si vous approchez de la mer. 

Après avoir regagné notre voiture, nous reprenons la route pour un déjeuner express à l'aéroport. Prochaine étape: le pittoresque village de Gásadalur ("la vallée des oies"), qui se trouve isolé géographiquement du reste de l’île, niché entre la mer et la montagne qui le surplombe. Il n’était relié par aucune route jusqu’en 2003, date à laquelle on a finalement percé un tunnel. Pour y accéder par voie terrestre, il fallait donc gravir la montagne et la redescendre, un chemin fait 3 fois par semaine pendant 50 ans par le postier Henriksen. Aujourd’hui le tunnel, dont l’entrée se situe un bon kilomètre après Bøur mentionné plus haut, permet de se rendre en voiture dans le village mais le chemin à pied constitue une randonnée très intéressante. Le sentier n'étant pas clairement indiqué,  j’ai préféré demander à un guide de nous accompagner. 

Celui-ci s’avère être un banquier qui a perdu son job après la crise financière. Aussi étonnant que ça puisse paraitre, la banque dans laquelle il travaillait à Tórshavn avait des activités de banque d’investissement et... a été touchée de plein fouet. Pour la randonnée, il nous conseille plutôt d’utiliser notre véhicule pour aller à Gásadalur et de faire le chemin à pied dans l’autre sens. Il nous reconduira alors avec son propre van. 

  • Vue depuis le sentier postal de Gásadalur.

 

Nous prenons donc le tunnel. Un peu frustrant de découvrir le village d’emblée, sans le moindre effort. Mais comme on s’en rend vite compte, c’est lorsque nous commençons notre ascension à pied que le site prend toute son ampleur. Nous serpentons sur la pente, faisant quelques pauses photos pendant que notre guide distille anecdotes et informations sur cette étonnante société féroïenne. Chaque dizaine de mètres de dénivelé offre un point de vue légèrement différent.

Le sommet offre une magnifique vue panoramique sur le fjord de Sørvágur et sur la petite île de Mykines, qu’on aura l’occasion de mentionner plus bas.

  • Sur le bord du Leitisvatn (Sørvágsvatn).
  • Les galets basaltiques à l'extrémité du lac de Leitisvtan, visible à l'arrière-plan.
  • C'est en montant à Trælanípa que la configuration inhabituelle du site se révèle au randonneur.  © <a href='https://flic.kr/p/eLGEMo' target='_blank' style='color:white'><u> Tommy Wooh </u></a>
  • Vue sur le Sørvágsfjørður depuis le sentier postal de Gásadalur.
Pour le solstice d’été les féroïens font l’ascension du Slættaratindur.

Gjógv, un village idyllique à Eysturoy

Il est temps de reprendre la route car j’ai réservé une chambre à la Gjaargarður Guesthouse de Gjógv (prononcer Djekv), au nord-est de Eysturoy. Celle-ci est l’île voisine de Streymoy et n’est séparée de cette dernière que par un étroit bras de mer, le Sundini, qu’un pont traverse opportunément là où il est le moins large. Si l’on veut être à l’heure pour le dîner, il n’y a donc pas de temps à perdre. Mais heureusement les distances sur les îles sont modestes et les routes en très bon état. 

Après avoir traversé le pont à Oyrarbakki, que les locaux ont baptisé avec humour “seul pont au-dessus de l’Atlantique”, nous filons au nord direction Eiði. A partir de là, cap à l’est, la route monte et devient plus étroite. Bientôt nous remarquons des voitures garées sur le côté puis de plus en plus de promeneurs. Que font tous ces gens dans un endroit aussi désolé ? Y a-t-il un festival à proximité ? Difficile de l’imaginer... Nous ne tarderons pas à avoir la réponse. C’est aujourd’hui le solstice d’été et de nombreux féroïens font traditionnellement l’ascension du Slættaratindur (882m). Nous sommes à 62 degrés nord donc bien en-dessous du cercle arctique et il n’y a  pas de soleil de minuit ici (environ 4h30 séparent le coucher du lever du soleil) mais une nuit blanche. Techniquement cela signifie que pendant cette courte nuit, la plus courte de l’année, on reste dans la période de crépuscule civil où le soleil ne descend pas plus de 6 degrés en-dessous de l’horizon. Et plus concrètement qu’il y a toute la nuit assez de lumière pour y voir clair ! Quoi qu’il en soit, solstice ou non, le Slættaratindur est la plus haute montagne des Féroé et si la visibilité est bonne, le randonneur qui en entreprend l’ascension est récompensée par un panorama extraordinaire.

Belle surprise que cette arrivée à Gjógv. Sous le soleil, le décor est simplement idyllique. La guest house a le toit recouvert d’herbe des maisons traditionnelles. Pas de carte au restaurant, le dîner est le même pour tout le monde mais on se régale de cette cuisine traditionnelle de qualité. Malgré la fatigue, impossible de résister à la tentation d’aller se balader en direction de la mer. D’ailleurs il suffit de faire quelques mètres en montant derrière le bâtiment de ma spacieuse superior room pour emprunter le sentier menant aux falaises où se logent macareux et autres oiseaux. De là on aperçoit également l’étonnant port naturel de Gjógv située dans une gorge qui a donné son nom au village. Le mot gjógv signifie gorge en féroien.

                                                                                        Continuer vers la partie 2

  • Vue depuis les hauteurs de Gjògv, en suivant le sentier qui part juste derrière la guest house. L'île juste en face est Kalsoy.
  • Vue panoramique de Gjógv.
  • La Gjaargarður Guesthouse de Gjógv.

 

Comment y aller ? (1/2)

En avion, départs quotidiens depuis Copenhague (CPH), Danemark avec Atlantic Airways la compagnie féroienne.
Le vol dure environ 2h.

Comment y aller ? (2/2)

En ferry depuis Hirtshals (Danemark) avec smyril line.
Environ 30-36h de bateau, 2 départ par semaine en été, 1 le reste de l’année. A noter : le ferry continue ensuite vers l’Islande.