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Cédric AubertCédric Aubert, Le lundi 26 janvier 2015
Un autre regard

Au Brésil, road trip mouvementé de Bélem à Salvador

Il est de ces voyages où la beauté des paysages vous marque au fer rouge, où le dépaysement est total et puis il est des voyages où les détails, les petits rien du quotidien prennent le dessus jusqu’à prendre une place disproportionnée dans vos souvenirs et dans votre imaginaire. Récit de ces petits détails de rien du tout, mais qui font tout, de Bélem à Salvador.
  • Les grands arbres de l’Amazonie s’espacent et rapetissent, laissant place à quelques cocotiers. Route de Bélem vers Sao Luis. | © Cédric Aubert
    Les grands arbres de l’Amazonie s’espacent et rapetissent, laissant place à quelques cocotiers. Route de Bélem vers Sao Luis. | © Cédric Aubert
  • Au petit matin à Barra Grande, sur la côte brésilienne. | © Cédric Aubert
    Au petit matin à Barra Grande, sur la côte brésilienne. | © Cédric Aubert
  • Sale temps entre Recife et Salvador. | © Cédric Aubert
    Sale temps entre Recife et Salvador. | © Cédric Aubert
  • Street art coloré dans les rues de Salvador, tout aussi colorées. | © Cédric Aubert
    Street art coloré dans les rues de Salvador, tout aussi colorées. | © Cédric Aubert
  • Scène de rue typique à Salvador. | © Cédric Aubert
    Scène de rue typique à Salvador. | © Cédric Aubert
Les patates avant les voyageurs. Logique. Tout cela sans se presser bien sûr.

Arrivée mouvementée à Bélem

Nous arrivons très tôt à Barra Grande, minuscule village de pêcheurs à plus de 2h de Sao Luiz. Face à nous, une plage immaculée à marée basse, entourée par quelques cocotiers. Nous nous asseyons sur le sable, seuls, face à l’horizon, silencieux, admiratifs. Je repense aux galères et péripéties qui nous ont amenés ici.

Petit retour en arrière : quatre jours exactement, nous sommes à présent à Bélem. Après plus de trois semaines emprisonnés dans les bras tentaculaires de l’Amazone, notre bateau atteint enfin l’Océan Atlantique et Bélem en fin d’après midi. Les passagers-piétons sont débarqués puis, à notre plus grande surprise, le bateau repart : je comprends tant bien que mal (il faut vraiment être motivé pour extirper des informations d’un Brésilien d’Amazonie 1) nous ne nous comprenons pas 2) ils ne sont ni bavards ni aimables) que le déchargement des voitures se fait à un autre embarcadère, « plus loin, plus tard ».

Une heure plus tard, nous parvenons aux abords de ce qui semble être un entrepôt : devant un ponton brinquebalant, de grandes caisses en bois sont entreposées sous un grand et haut toit en toile défoncé. C’est alors que plutôt que de débarquer les deux véhicules (dont le nôtre), l’équipage commence à décharger la cargaison. Les patates avant les voyageurs. Logique. Tout cela sans se presser bien sûr.

C’est enfin notre tour, il est 19h30. Euphoriques, nous démarrons quand, tout à coup, un employé du port se rue vers nous en courant, criant et insultant : nous devons payer la taxe — la bagatelle de $100 —  car nous sommes sur une propriété privée. Je refuse. C’est à la compagnie de transport de payer, pas à moi, personne ne m’a informé. Je n’ai jamais demandé à débarquer ici, moi. Bien sûr, la compagnie refuse m’expliquant que c’est à moi de payer. Excédé et impuissant face à la barrière de la langue, la mauvaise foi et la stupidité, je finis par m’asseoir par terre et attendre, souriant et provocateur. La technique du bon vieux sitting. La pluie s’invite à la fête, une pluie chaude et épaisse. J’ai l’air pitoyable.  Il pleut de plus en plus fort. Je suis trempé. Le personnel me regarde incrédule et moqueur. Cette comédie de sourds dure pendant une demi-heure peut-être, puis finalement, un garde nous laisse passer. Nous sommes libres.

Les environs du port transpirent l’insalubrité et la pourriture. Les murs des bâtisses sont tous décrépis, les rues défoncées, la chaleur et l’orage rendent l’atmosphère suffocante, irrespirable.

Il fait nuit. Aucune voiture ne s’arrête au feu rouge. Le danger est palpable. Nous ne nous attardons pas. Direction le vieux Bélem. On verra sur place ce que l’on fait. Cela fait plusieurs semaines que nous voyageons au jour le jour, sans se préoccuper d’un planning, sans programme, juste portés par les flots de l’Amazone. Le retour sur terre est un choc.

 

  • Paysage de route. A quelques heures de Bélem en descendant vers le sud. | © Cédric Aubert
  • Les grands arbres de l’Amazonie s’espacent et rapetissent, laissant place à quelques cocotiers. Route de Bélem vers Sao Luis. | © Cédric Aubert

 

Bélem, ville patchwork, semble surtout rongée par la forêt, son humidité et sa nature primitive. Toute trace de culture, de splendeur ou de grâce paraît ensevelie sous la canopée.

De Bélem à Barra Grande

Bélem est une ville d'environ 1,5 million habitants, capitale de l'Etat de Pará. Par sa position géographique, au confluent de l’Amazone et de l’Océan Atlantique et a, à peine quelques heures de l’Equateur, Bélem est une ville patchwork aux multiples influences : portugaises, africaines et indigènes. Toutefois, elle semble surtout rongée par la forêt, son humidité et sa nature primitive. Toute trace de culture, de splendeur ou de grâce paraît ensevelie sous la canopée de la forêt amazonienne, comme si la civilisation ne pouvait s’en extirper, prisonnière, piégée à jamais.

Exténués et pressés de rejoindre les plages idylliques de la côte brésilienne nous ne passerons qu’une nuit à Bélem dégustant une soupe de tacacà au coin d’une rue, face à la Catedral Da Sé. Le tacacà est un plat traditionnel d’Amazonie à l’aspect gluant à base de jus de manioc, de feuilles de jambu, de tapioca et de crevettes.

Après une courte nuit, nous prenons la route direction Barreirinhas et le Parque Nacional dos Lençóis Maranhenses. Une grosse journée d’environ 15h de route. Peu à peu le paysage se transforme, les arbres s’espacent et rapetissent, puis disparaissent, à la place, des montagnes de sables et d’arbustes et la mangrove. Demain nous passerons la journée au milieu de ces dunes irréelles.

Pendant la visite, notre guide, un adolescent rencontré la veille en pleine rue, nous explique que la route habituelle pour rejoindre Barra Grande est fermée. Le Rio da Fome a débordé il y a plusieurs semaines et pour l’instant, aucun signe de décrue. Comme un air de déjà-entendu pour nous. Il nous indique un détour permettant de contourner la crue, mais rajoute que sans un guide pour nous y amener nous allons nous perdre. Nous décidons de le croire.

Rendez-vous demain matin 8h à la sortie de la ville. Il nous guidera. Le lendemain, Rodrigo est là, fier et ponctuel sur sa moto, un vieux motocross 125 cm3, orange et verte. Très rapidement, nous sommes confortés dans notre choix d’être accompagné : nous sommes sur une piste de terre rouge sang, après avoir passé plusieurs ponts de fortune, tournés dans des champs et autres raccourcis. Bref, nous n’avons plus aucune idée d’où nous venons ni où nous allons.

Toutefois, la direction sur la boussole me semble bonne : Sud, Sud-Est. Cette journée est magique : nous traversons plusieurs villages en torchis, nous avons l’impression d’avoir laissé la civilisation moderne, de voyager à travers le temps, nous roulons à travers des plaines d’herbes hautes, routes et pistes disparaissant. Notre jeune guide, de temps à autre, ralentit se laissant porter à notre niveau afin de prendre quelques nouvelles. Nous faisons une halte à la mi-journée dans un de ces villages du bout du monde, partageant notre repas avec les habitants sur la place. L’un d’eux m’explique qu’une navette passe de temps en temps, environ une fois par mois, pour amener les villageois à la ville. Ils en profitent ainsi pour s’approvisionner, prendre des nouvelles du monde moderne, et sont bien heureux comme ça.

En fin de soirée après plus de sept heures de route, notre guide nous dit au revoir, nous indiquant la suite du chemin. Il fait demi-tour et repart dans l’autre sens.

Nous nous arrêterons ici pour aujourd’hui, au bord de la piste. Le spot est bon : le sol est stable, bien sec (aucun risque de s’embourber), pas trop d’herbe, pas de passage et pas trop de moustiques. Ouf.

 

  • Nous laissons Barreirinhas pour emprunter une piste bis en direction de Barra Grande. | © Cédric Aubert
  • Sur la piste menant à Barra Grande en fin de journée, nous allons bientôt nous arrêter et installer notre bivouac. | © Cédric Aubert

 

Ambiance tropicale dans ce village de pêcheurs cernés par les vagues et les cocotiers. Nous avons enfin atteint notre paradis.

 

Barra Grande et Canoa Quebrada, petits paradis tropicaux

Le lendemain, nous partons aux aurores et après quelques heures de route arrivons enfin à Barra Grande, vers 8h du matin. Ambiance tropicale dans ce village de pêcheurs cerné par les vagues et les cocotiers. Nous avons enfin atteint notre paradis.

Deux caïpis sont commandées au patron d’une petite paillote face à la plage. Il sourit. Ce n’est pas tous les jours qu’il sert des caïpirinas à 8h du matin. Le resto est vide, on en profite pour discuter et reprendre une nouvelle tournée, la 3ème est pour lui, comme la 4ème d’ailleurs. Il est 10h. On est ivres morts et tellement heureux. Paulo est génial. Il nous donne tous les bons tuyaux du coin, où manger, où dormir. Nous allons passer quatre jours à Barra Grande, le temps de s’habituer à la cachaça locale jusqu’à pouvoir encaisser huit tournées sans sourciller et déguster les meilleurs plats de poissons, de langoustes et de crevettes grillées. Paillote -> Plage -> Tente -> Paillote -> Plage.

Kiters au coucher de soleil. | © Cédric Aubert
Kiters au coucher de soleil. | © Cédric Aubert

 

Face au lagon et aux kiters qui se débattent sur les flots, on se repose, on bouquine, on mange et on dort, dans notre tente installée face à la paillote de Paulo.

Nous serions bien restés quelques semaines de plus, mais un autre lieu paradisiaque nous attend : les plages de Canoa Quebrada. Dure la vie de voyageur. Nous disons au revoir puis reprenons la route.

Dix minutes plus tard : crevaison, la première après six mois de voyage. Dur retour à la réalité. Le cadenas qui retient la roue de secours est rouillé, impossible de le défaire. Heureusement, nous avons une bombe anti-crevaison et une pompe. Une heure après on repart, on fera sauter le cadenas dès que possible. Dans la soirée nous arrivons à Canoa Quebrada. Cet ancien paisible village de pêcheurs niché au sommet de falaises géantes rouges estt entouré de magnifiques dunes de sable. Pas étonnant qu’il fût pendant des années le refuge d’une communauté hippie. Paix, amour et liberté sont des sentiments que l’on peut encore percevoir dans les rues de Canoa.

 

Nous prenons nos quartiers dans la Pousada Vale do Luar, une magnifique propriété de quatre ou cinq paillotes autour d’une piscine et d’un jardin, surplombant l’océan.

Après plusieurs semaines à la dure, un peu de confort est vraiment appréciable.

Le lendemain matin, après avoir englouti un fabuleux petit déjeuner de crêpes de manioc à la coco etde jus frais, nous partons pour un petit run sur la plage, avant de rejoindre le beach club repéré la veille. Lazy sunny day ! 

  • Tournée de caïpis à Barra Grande. | © Cédric Aubert
  • Baigneuse au petit matin à Barra Grande.  | © Cédric Aubert

 

Cet ancien paisible village de pêcheurs est entouré de magnifiques dunes de sable. Pas étonnant qu’il fût pendant des années le refuge d’une communauté hippie.

 

On the road again...

Quelques jours plus tard, nous repartons. Je ne m’attarde pas sur le récit des visites de Olinda ou de Recife, qui bien que sympathiques ne nous ont pas laissés un souvenir impérissable. 

Route. Route. Route.

Pendant plusieurs jours nous roulons nous arrêtant seulement pour faire un plongeon dans l’une des plages qui bordent la côte Nordeste, avant de repartir. Maragogi, Praia do Francês, Praia do Gunga, Pirambu, …

La veille d’arriver à Salvador, nous roulons pendant près de 20 heures sans s’arrêter, la faute à une pluie diluvienne qui n'en finit plus de tomber. Des glissements de terrain ont recouvert la route à certains endroits. Plusieurs voitures hésitent à passer de peur de rester bloquées, créant d’importants ralentissements. Nous tentons notre chance, avec succès. 

  • Le jour se lève, la route continue. | © Cédric Aubert
  •  La visibilité devient très difficile. De plus, de nombreux éboulements rendent la route difficilement praticable. | © Cédric Aubert. | © Cédric Aubert

 

 

La fin d'une aventure

Le soleil apparaît enfin en début d’après midi, nous nous arrêtons alors parfois pour acheter des coco gelados et pour en boire leur eau. Vers 17h, à 3 heures de Salvador, nouvelle crevaison. Le pneu est mort. Il faut le changer. Et nous n’avons pas de cric. Heureusement, un routier s’arrête et nous aide à changer le pneu. C’est reparti.  

En fin de soirée nous arrivons enfin aux abords de Salvador. D’énormes embouteillages finissent par nous achever. Perdus, sales, épuisés et énervés nous finissons par trouver notre Pousada : La Colonial, sur les hauteurs de Salvador, Rua de Santo Antônio.

C’est la fin d’une période de plus de deux mois sur les routes et les fleuves, un chapitre se tourne dans notre voyage, la fin du nomadisme spartiate, le début d’un retour progressif à la réalité et à la civilisation. 

 

  • Halte à Maragogi. | © Cédric Aubert
  • Les rues colorées de Salvador, enfin. | © Cédric Aubert

 

où dormir

A Canoa Quabrada

La Pousada Vale do Luar, un cadre idyllique à 100 mètres de la mer, à partir de 60€ la nuit.

A Salvador de Bahia

La Pousada : La Colonial, un hôtel au charme rustique en face du rio Sao Francisco dans le centre historique de Penedo (à partir de 40€ la nuit)