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Pierre GuntherPierre Gunther, Le lundi 21 novembre 2016
Un autre regard

Burkina Faso : un mois au pays des hommes intègres

« Ce qui frappe immédiatement, ce sont les bruits, les odeurs, les couleurs, le mouvement incessant. Un mélange de stimulations ininterrompues, de langueur, de chaleur et de longues discussions sous l’arbre à palabre. » Après un séjour en immersion au Burkina Faso, Pierre Gunther partage avec nous une expérience humaine exceptionnelle.
  • Toujours demandeurs et très enjoués de se faire photographier, les Peuls restent de marbre face à l’objectifs © Antoine Debontride
    Toujours demandeurs et très enjoués de se faire photographier, les Peuls restent de marbre face à l’objectifs © Antoine Debontride
  • Dans la campagne burkinabé © Antoine Debontride
    Dans la campagne burkinabé © Antoine Debontride
  • Les filles font des réserves d’eau en prévision d’éventuelles coupures à venir. © Antoine Debontride
    Les filles font des réserves d’eau en prévision d’éventuelles coupures à venir. © Antoine Debontride
  • L’épreuve sportive du CEP est la seule à laquelle il m’a été donné l’opportunité d’assister. La grande cour se transforme pour l’occasion en un immense terrain de sport, où saut en longueur et sprint sont organisés. © Antoine Debontride
    L’épreuve sportive du CEP est la seule à laquelle il m’a été donné l’opportunité d’assister. La grande cour se transforme pour l’occasion en un immense terrain de sport, où saut en longueur et sprint sont organisés. © Antoine Debontride
« Cela résonnait d’autant plus à nos oreilles que nous croyons dur comme fer que cette jeunesse et l’éducation sont le cœur du développement.»

Un patchwork de langues, d’ethnies et de cultures

Arriver à Bobo-Dioulasso est un défi en soi. Après être passés par Istanbul et Niamey, nous arrivons à Ouagadougou à minuit, avant de prendre un bus le lendemain pour Bobo-Dioulasso. C’est la deuxième ville du pays au sud. Huit heures de trajet nous attendent afin de rejoindre le lieu de notre mission. Je suis ici pour un mois avec quatre camarades de l’association Schola Africa, afin de contrôler l’avancement de nos projets.

Nous commençons le travail dès le lendemain par la visite de l’école de Dindéresso, financée par Schola. Karim Gomina, son directeur nous fait visiter toutes les classes. L’émotion est grande pour nous en CM2 où les enfants nous accueillent par un chant magnifique sur l’amour de leur pays et son énorme potentiel. Cela résonnait d’autant plus à nos oreilles que nous croyons dur comme fer que cette jeunesse et l’éducation sont le cœur du développement. C’était également un moment très fort car nous voyions pour la première fois les salles de classe et les enfants pour lesquels nous travaillons depuis la France.

Plusieurs hypothèses circulent sur l’ethnie Peuls. Ils descendraient de l’Egypte antique, ou seraient issus d’un métissage avec les Européens. © Antoine Debontride

 

Pierre [Pierre LEFORT, le président de Schola Africa 2016-2017, NDLR] parti un an après moi, a également eu la chance de visiter notre école de Sarfalao :

« Notre 4x4 roule au pas dans le dédale de petites routes du quartier de Sarfalao avant d’arriver à l’école. Elle marque la frontière entre la zone urbaine et la brousse. Trois bâtiments en U entourent un grand mat au bout duquel flotte le drapeau du Burkina Faso. Mon regard se pose sur un petit écriteau fixé sur l’un des bâtiments : « Schola Africa, action humanitaire Lille France ». Sa lecture me remplit de fierté et me rappelle pourquoi je suis ici. Sur les six salles de classes composant l’école, cinq ont été construites par l’asso. L’école du Petit Monde est l’une des neuf écoles où nous sommes intervenus depuis 2000, date de la création de Schola. Aujourd’hui près de 900 enfants s’assoient sur les bancs de nos salles de classe, dont 250 ici, à Sarfa. Autant vous dire qu’il y a du bruit dans cette cour de récré !

Nous descendons du 4x4 et nous nous avançons vers les enfants. C’est l’heure de la récré, trop occupés à jouer, ils ne nous ont pas remarqué. Soudain, l’un d’eux nous aperçoit et s’écrit toubabou - les blancs en dioula. En quelques secondes tous les jeunes accourent à notre rencontre, mais ils se tiennent à quelques mètres de nous, curieux, et rigolent nerveusement. J’ai le cœur qui bat et je ne sais pas comment réagir. Soudain l’un d’eux se jette à l’eau : il s’avance vers moi et me prend la main en souriant. Je souris à mon tour et tous les autres enfants décident alors de l’imiter. Rapidement je me retrouve emporté par le flot des enfants qui cherchent tous à me tenir la main.

La cloche retentit, un à un tous les enfants m’ont lâché la main pour rentrer en classe. Commence alors pour nous le traditionnel tour des classes pendant lequel nous discutons avec les professeurs des problèmes qu’ils rencontrent. Je suis impressionné par l’accueil qui nous est réservé : les enfants chantent et dansent, nous présentent les chorégraphies apprises cette année. Ils sont surexcités et les professeurs ont un peu de mal à les tenir. Dans chaque classe nous avons droit à des remerciements ».

  • D’anciennes élèves du village de Dindéresso, maintenant collégiennes, viennent aider les candidats durant le séjour. Elles s’occupent notamment de préparer les différents repas. © Antoine Debontride
  • Même à trois ou quatre par table-banc, les élèves restent studieux pendant les cours de français. © Antoine Debontride
  • L’après-midi précédant la première épreuve, les dernières révisions se font dans la grande cour du centre d’examen, à l’ombre de quelques arbres. © Antoine Debontride
  • À chaque question du professeur, toutes les mains se lèvent et les doigts claquent pour répondre et passer au tableau. © Antoine Debontride
« Ces jeunes étaient surexcités, mis en transe par la puissance spirituelle de la cérémonie et la musique rythmée que l’on sentait battre dans notre corps. »

Une société emprunte de traditions animistes millénaires

Si en ville la société se transforme à toute vitesse par l’école, la séries TV, les mélanges culturels, le milieu rural lui reste baigné de traditions animistes millénaires. Nous avons eu la chance ce mardi, d’assister à la cérémonie des masques à Wolokoto. Après une heure et demi de 4x4 dans la savane, et la visite de l’école aux enfants surexcités en ce jour si spécial, on nous a conduit au village, qui résonnait déjà du son des djembés et des balafons.

Sur la réserve au moment de la rencontre, les enfants sont toujours prêts à faire des pitreries quand l’atmosphère se détend. © Antoine Debontride

 

Les habitants étaient en cercle autour d’un baobab centenaire, dont les racines noueuses servaient d’appuis aux anciens. La musique rythmée et profonde des xylophones et des calebasses résonnait dans l’air et dans notre poitrine. On nous a offert des chaises au premier rang ce qui nous a d’abord gênés. Mais la fierté des habitants à nous faire découvrir leurs traditions nous ont vite rassurés. L’atmosphère était électrique quand les masques sont apparus. Certaines personnes étaient en transe. Des personnes couvertes de la tête au pied de rafia coloré sont entrées dans le cercle en dansant. La paille aux tons rouges, bleus, verts était accrochée sur toute la surface de leur corps et ondulait en suivant leurs gestes. Un à un, les masques se sont accroupis devant les anciens en signe de respect. Ils ont fait le tour du cercle des villageois précédés d’un flûtiste et d’un joueur de tambour et suivis par de vielles femmes et leurs petites filles qui dansaient et piétinaient le sol de terre rouge en rythme. Le masque a ensuite commencé à tourner sur lui-même de plus en plus vite, faisant virevolter les franges de son costume, la musique s’accélérant sous les cris et les applaudissements des villageois. Au moment de perdre l’équilibre dans sa folle danse, il a été rattrapé par des adolescents. Ces jeunes étaient surexcités, mis en transe par la puissance spirituelle de la cérémonie et la musique rythmée que l’on sentait battre dans notre corps. Des hommes avec des fouets frappaient le sol devant eux pour ne pas perdre le contrôle du groupe. Nous étions transportés par cette cérémonie et la charge émotionnelle intense qu’elle véhiculait. Nous avions la gorge serrée et étions conscients de la chance inouïe d’assister à cet événement, témoins de traditions fragiles dans une civilisation à transmission orale. À chaque nouveau masque, la danse se répétait : d’abord le tour du cercle des villageois puis la danse circulaire rapide jusqu’à perde l’équilibre et être rattrapé. Nous avons même eu la chance de voir un enfant en phase d’initiation porter l’habit du masque et effectuer la danse comme ses pères.

Les filles amènent le bois coupé dans la salle de classe, qui leur sert de logement pendant les trois jours où les élèves passent le Certificat d’Etudes Primaires.
© Antoine Debontride
« Des enfants se baignent et jouent au loin. D’autres font boire leur troupeau. Le tableau est idyllique. »

 

Du désert à la jungle

Quel que soit l’endroit, de Ouaga à Banfora, à la terrasse d’un maquis (nom d’un bar ou d’un restaurant) ou sous la moustiquaire, la chaleur est ce qui frappe le plus. Elle assomme. A longueur de journée. Nous sommes partis en avril, mois le plus chaud, et même la nuit est difficile à supporter sous la terrasse en taule de chez Karim où nous dormons sur des matelas à même le sol. Mais une récréation d’une journée s’annonce dans notre programme de travail pour l’asso : nous allons visiter Banfora !

Les réseaux peu développés rendent difficile l’acheminement des matériaux pour nos écoles. Les ouvriers vérifiaient ici que le chargement ne tombe pas à cause des branches basses © Antoine Debontride

 

Nous prenons un bus de la compagnie Rakieta au petit matin. Le long de la route le paysage change, devient moins aride. Des champs apparaissent, les arbres se font plus denses et les paysages plus verts. Il pleut plus à Banfora, la jungle n’est pas loin. Nous arrivons accueillis par notre guide qui nous offre un petit-déj Nescafé / tartines d’avocats tropicaux et oignons (tellement meilleurs que les avocado toasts des terrasses parisiennes !). Nous montons ensuite sur des mobylettes 103 Peugeot, une première pour nous ! Notre groupe traverse la petite vite pour se rendre à une distillerie de vin de palme où nous goûtons le liquide trouble dans des calebasses, avant de tracer la route dans des champs de canne à sucre. Nous apercevons au loin les Dômes de Fabedougou, formation géologique en strates, emprunte de spiritualité, où des sacrifices étaient fait il y a des décennies. Nous brûlons sur notre moto et faisons une deuxième pause aux cascades de Karfiguela, dans lesquelles nous nous baignons, entourés par la jungle luxuriante. Les mangues ramenées par notre guide sont succulentes, l’eau fraîche et le lieu tellement paradisiaque que la pause nous paraît bien trop courte. Nous continuons à avaler les kilomètres sur les petites digues qui séparent des rizières et traversons des villages où les enfants nous attendent les mains tendues le long de la route qui nous mène au lac de Tengrela. Nous embarquons dans une pirogue à la rencontre des hippopotames qui ouvrent leur gueule immense à notre passage. Il n’y a aucun bruit, la pirogue file doucement sur l’eau en écartant les nénuphars. Des enfants se baignent et jouent au loin. D’autres font boire leur troupeau. Le tableau est idyllique.

  • Les Peuls sont très amusés par les photographies que nous leurs apportons des missions précédentes. © Antoine Debontride
  • La mission à Bobo-Dioulasso est le moment émouvant et motivant où nous nous rendons réellement compte des résultats du travail que nous fournissons à 4000 km de là à Lille. © Antoine Debontride

 

« Le soleil au zénith rendait la marche interminable, éprouvante, insupportable. »

 

Invités à un baptême musulman chez les Peuls

Les Peuls sont une ethnie musulmane du Burkina, sédentarisée il y a peu et marginalisée par son mode de vie nomade et son éloignement des villes. Peu scolarisée, notre asso avait décidé il y a plusieurs années de construire trois salles de classes dans un petit village près de Bobo-Dioulasso. Nous sommes allés à la rencontre de cette communauté par deux fois.

Afin de nous montrer le chemin que les enfants du village devaient faire pour aller à l’école avant la construction des classes de Schola, nous avons suivi une petite fille qui nous a guidés à travers la savane. Le soleil au zénith rendait la marche interminable, éprouvante, insupportable. À notre deuxième visite, on nous avait conviés au baptême musulman d’un bébé né une semaine auparavant. Nous nous sommes assis sous un arbre avec tous les hommes qui ont passé plusieurs heures à choisir le nom du nouveau-né.

Les Hommes réunis sous l’arbre à palabre traitent les problèmes de la vie courante. Ils célèbrent également les fêtes comme les baptêmes. © Antoine Debontride

 

Nous avons ensuite vu le reste des femmes, maquillées et apprêtées pour l’occasion. Leurs vêtements étaient très colorés, couverts de nombreux colliers, bracelets et boucles d’oreille. Elles étaient réunies près du feu et préparaient le festin à venir pour la fête. Les peuls adorent se faire prendre en photo, et nous avons passé beaucoup de temps à prendre des clichés de tout le monde en famille, entre amis, seuls... Nous ne sommes toutefois pas restés jusqu’au repas mais cette rencontre précieuse avec cette communauté isolée nous a beaucoup touchés.

Cette mission en Afrique Noire restera ainsi l’un des plus beaux voyage de ma vie. Une confrontation avec la réalité, des conditions de vie éprouvantes mais un mois tellement gratifiant. La richesse naturelle et humaine de ce pays mérite d’être connue. Et ce malgré les difficultés d'y voyager sans être guidé par un local.

L'auteur

Pierre Gunther est élève en école de commerce. Il est parti au Burkina Faso, son premier voyage hors d’Europe, en avril 2015 au sein de l’association Schola Africa, qui œuvre pour l’éducation et la formation professionnelle en zone rurale au Burkina. Chaque année, trois missions partent sur le terrain afin de coordonner les actions entre la France et le Burkina. L’occasion d’un voyage humanitaire et humain inoubliable, illustré par les photos d'Antoine Debontride.

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