Mathieu BelayMathieu Belay, Le mercredi 01 mars 2017
Restaurants

Les 50 meilleurs restaurants de Paris #23: Sur Mesure par Thierry Marx

Quand Thierry Marx et Mandarin Oriental s’associent pour inventer le restaurant de palace du XXIème siècle, cela donne le Sur Mesure, un restaurant raffiné et avant-gardiste, intimiste et anti-démonstratif, loin des stéréotypes sur la cuisine moléculaire.
  • La salle à manger du Sur Mesure au Mandarin Oriental Paris, un écrin feutré imaginé par l'agence de design Jouin-Manku © Mandarin Oriental
    La salle à manger du Sur Mesure au Mandarin Oriental Paris, un écrin feutré imaginé par l'agence de design Jouin-Manku © Mandarin Oriental
  • Bar rôti « Ecailles croustillantes » / Noisettes du Piémont & pain torréfié © YONDER.fr
    Bar rôti « Ecailles croustillantes » / Noisettes du Piémont & pain torréfié © YONDER.fr
Aujourd’hui, le restaurant intimiste du palace hongkongais de la rue Saint-Honoré fait l’unanimité.

Après un détour par les quais de Seine pour s’attabler à l’illustre Tour d’Argent, retour en plein cœur de la capitale pour découvrir l’un des restaurants récompensés de deux-étoiles les plus atypiques de la scène gastronomique parisienne, le Sur Mesure de l’inimitable Thierry Marx, au sein du Mandarin Oriental Paris.

Le pitch : le restaurant de palace revisité

Le restaurant « Sur Mesure » est la rencontre de deux esprits singuliers. D’un côté, l’enseigne hôtelière Mandarin Oriental, arrivée à Paris au début de la décennie avec la volonté d’ouvrir un palace contemporain se démarquant non seulement des poids lourds du genre (le George V, le Plaza Athénée, le Meurice, le Bristol…) mais également de ses concurrents asiatiques (Shangri-La ou Peninsula) ayant cherché à cultiver le grand style parisien. De l’autre, Thierry Marx, chef iconoclaste et ambassadeur en France de la cuisine moléculaire. Un cuisinier militant au parcours atypique, s'étant toujours tenu à l’écart du sérail gastronomique français. Le rapprochement de ces deux noms, évoluant chacun hors des cercles et des circuits traditionnels, ne pouvait faire que des étincelles. Ce fut le cas à l’été 2011 alors que le restaurant venait d’ouvrir ses portes. La table gastronomique du Mandarin Oriental Paris est alors fraîchement accueillie par deux chroniqueurs les plus en vue de la capitale. Avec le recul, leurs jugements sentencieux paraîssent en décalage total avec la réception critique (celle des guides) et du public., Le restaurant intimiste du palace hongkongais de la rue Saint-Honoré peut aujourd'hui se targuer de faire l’unanimité, et ce malgré la mauvaise presse de la gastronomie moléculaire dans l'Hexagone. Deux étoiles Michelin, 19/20 puis 5 toques dans le Gault&Millau et même si cela est plus anecdotique, une 40ème place – sur plus de 14,000 adresses -  dans le classement TripAdvisor des meilleurs restaurants de Paris, attestent de ce plébiscite. Un exploit pour une table, grande par les ambitions, intime par les dimensions, qui n’hésite à casser les codes pour mieux réinventer l’expérience gastronomique dans sa globalité.

Découvrez notre entretien fleuve avec Thierry Marx pour en savoir plus sur son parcours, ses inspirations et sa vision.

Thierry Marx insiste : « il n’existe pas de conflit entre tradition et innovation ».

 

Dans l’assiette

Si le Sur Mesure est estampillé comme un restaurant de gastronomie moléculaire, invitant ses hôtes à déguster une cuisine « techno-émotionnelle », Thierry Marx insiste : « il n’existe pas de conflit entre tradition et innovation ». Sa volonté d’embrasser dans le courant des années 2000 la déferlante de la cuisine moléculaire ne n’est pas faite au détriment de la culture dite « classique », du cuisinier. Rappelons-le, avant d'être le chef médiatique que l'on connaît, l'ancien gamin des cités de Ménilmontant avait fait son apprentissage auprès des plus grandes toques triplement étoilées de l’époque : Claude Deligne au Taillevent, Joël Robuchon au Jamin ou auprès du légendaire Alain Chapel. Plus tard, sa volonté de se projeter dans la cuisine du futur fut lui une occasion de se replonger dans l’histoire de la cuisine avec un grand H, celle écrite par Archestrate durant l’Antiquité puis par Antonin Carême, Jules Gouffé ou Auguste Escoffier au XIXème siècle. Un pied dans le passé, un dans le futur, Thierry Marx revendique, plus que toute autre chose, son attachement aux fondamentaux. « La maîtrise du geste, le feu, le temps sont les mouvement universels de la cuisine. […] C’est l’essentiel. Tout le reste, ce ne sont que des détails » explique-t-il, confirmant son attachement à la culture japonaise qui imprègne non seulement sa cuisine mais aussi tout son mode de vie.

Bar rôti « Ecailles croustillantes » / Noisettes du Piémont & pain torréfié © YONDER.fr



Au cours de notre déjeuner, cette philosophie de vie et cette vision de la cuisine se traduisent, non pas par de fantaisistes créations fumantes - ou fumeuses - comme le cliché de la gastronomie moléculaire le voudrait, mais par des assiettes souvent inclassables, aux harmonies malicieuses et à la précision millimétrée. Impossible de ne pas lire la double culture franco-japonaise, issue autant de son passage au Château Cordeillan-Bages que de ses séjours répétés à Tokyo dans ce pressé de foie gras et anguille fumée, judicieusement intitulé « Terre et Estuaire ». La langoustine, quant à elle, s’enrichit du goût puissant du sarrasin torréfié grâce à une cuisson façon tempura incroyablement subtile – un autre clin d’œil à la culture japonaise - en même temps qu'elle se rafraîchit à l'aide du concombre et à la menthe poivrée. Même topo pour ce surprenant risotto en trompe l’œil, l’un des plats signatures du chef, véritable alliance contre-nature, et pourtant drôlement efficace, de deux univers. La douceur du soja asiatique d’un côté, la puissance de l’huître et de la truffe de l’autre. L’onctuosité et le croquant. Le yin et le yang.
Les plats (le bar rôti « Écailles croustillantes » / Noisettes du Piémont & pain torréfié ou la Canette de Challans / Airelles & Grelots) démontrent une même dextérité technique. Une capacité identique à tirer le meilleur de chaque ingrédient. Une volonté de créer l’émotion sans ostentation. Voilà un signe qui ne trompe pas. En filigrane, derrière la cuisine d’auteur de Thierry Marx, se dissimulent la maturité et la sagesse d’un chef qui n’a plus rien à prouver.

  • Langoustine « Sarrasin torréfié » / Concombre & Menthe poivrée © YONDER.fr
  • Canette de Challans / Airelles & Grelots © YONDER.fr

 

En filigrane [...] se dissimulent la maturité et la sagesse d’un chef qui n’a plus rien à prouver.

 

Dans la salle

À l’abri des regards comme peuvent l’être les restaurants japonais, le Sur Mesure surprend autant par son atmosphère intimiste (40 couverts seulement et une disposition en carré favoriant la quiétude et l'impression de sérénité) que par son supposé futurisme. Conçu comme un « cocon feutré » par l’agence de design Jouin-Manku, à laquelle on doit également le très réussi restaurant d’Alain Ducasse au Plaza Athénée, le décor joue la carte d’une singularité éthérée, simplement soulignée par puits de lumière évoquant les jardins zen japonais. On retrouve ce même souci du détail dans le choix de la vaisselle, créée exclusivement pour le restaurant. Tout est fait pour vivre un moment de restauration privilégié, comme suspendu dans le temps, y compris à l’heure du déjeuner.

 

  • La salle à manger du Sur Mesure au Mandarin Oriental Paris, un écrin feutré imaginé par l'agence de design Jouin-Manku © Mandarin Oriental
  • La vaisselle a également été imaginée "sur mesure" pour le restaurant © YONDER.fr

 

 

Le service

Tout en retenue et délicatesse, le service assuré par les équipes du Sur Mesure tranche avec celui, souvent démonstratif, des grands restaurants de palaces. Là où les assiettes de Thierry Marx font parfois preuve de minimalisme, là où le restaurant dévoile un écrin épuré et immaculé, le contraire aurait été étonnant.

L’addition

Au déjeuner, un menu « Sur Mesure » à composer soi-même est disponible : 4 plats pour 85€ / 5 plats pour 100€ / 6 plats pour 120€ / 7 plats pour 150€. À l’heure du dîner, le menu « Sur Mesure » s’étoffe. Comptez alors 190€ pour 6 plats, 230€ pour 7 plats, 250€ pour 8 plats.

Le sens du détail passe aussi par le graphisme © YONDER.fr

 

Le mot de la fin

Sur Mesure au Mandarin Oriental Paris est à l’image du chef qui le dirige : unique et atypique. Là où les grandes tables étoilées de palaces parisiens semblent être au diapason, Thierry Marx fait entendre une petite musique différente. Sur la forme comme sur le fond, il délivre une prestation pleine de grâce et d’imagination, sans jamais dénaturer le produit. Oubliez l’image « chimisante » de la cuisine moléculaire associée au chef, Thierry Marx, fasciné depuis toujours par l’épure japonaise, met son avant-gardisme technique au service de créations inventives et gourmandes. « Donner un confort de dégustation à un produit tout en restant au plus près de son goût originel est mon fer de lance, mon satori comme diraient les Japonais » souligne d’ailleurs celui l'ancien juré de Top Chef.

Au Sur Mesure, il parvient à faire la synthèse de toutes ses influences : sa connaissance encyclopédique de l’Histoire de la cuisine et ses travaux sur le futur de celle-ci (il a notamment préparé des plats pour le spationaute français Thomas Pesquet) ; son savoir-faire issu de la tradition culinaire française et son amour immodéré des cuisines asiatiques et japonaises en particulier ; son respect du produit et sa volonté permanente de prendre des risques pour éviter toute forme de suivisme. C'est en tout point remarquable.
 

À lire également, notre interview exclusive de Thierry Marx

 

PRATIQUE

Sur Mesure
au Mandarin Oriental Paris

251 rue Saint-Honoré
Paris 1er

Ouvert du mardi au samedi, au déjeuner et au dîner.

Tél : +33 1 70 98 73 00
Informations sur le site Web du Mandarin Oriental Paris