Carretera Austral, la route de l’aventure en Patagonie

Unifier le Nord et le Sud

Ce projet titanesque amorcé sous le régime d’Augusto Pinochet en 1976 pour unir le Nord et le Sud du pays avait pour ambition de désenclaver les régions les plus reculées du Chili et ainsi cesser d’être tributaire des voies terrestres argentines.

Aujourd’hui, nombreux sont ceux à s’aventurer sur son tracé torturé à la découverte de ses forêts primitives dominées de sommets enneigés, ses fjords interminables et ses lacs aux eaux turquoises.

Passé Puerto Montt débute notre chute vertigineuse vers les plaines patagonnes et le Grand-Sud. Le goudron laisse progressivement place au gravier et à la terre. Le climat se refroidit.  Les distances se rallongent. Kilomètre après kilomètre, la civilisation s’éloigne, les villages se font de moins en moins nombreux, jour après jour, la route nous mène toujours plus loin, toujours plus au Sud comme aimantée par l’attraction du pôle.

Peu de routes au monde évoquent à ce point l’aventure. L’emprunter est déjà un voyage qui se suffit à lui-même. Chaque journée nous enchante de ses paysages sauvages et primitifs, enrobés d’une lumière magique, propre à la Patagonie. Chaque soir, d’irréels couchers de soleil aux mille teintes de rouge et d’orange, confirment cet étrange sentiment tenace qui nous pousse inexorablement en avant : demain sera encore plus grandiose.  La Carretera n’est pas une route vers une destination, elle est LA destination. 

La route de la liberté

Tout au long de la route, entre Puerto Montt et Villa O’Higgins plus d’une dizaine de parcs nationaux, de réserves, de pistes annexes ou encore de villages perdus de pêcheurs soit autant d’occasions pour s’arrêter, passer une nuit chez l’habitant ou encore partir pour un trek de quelques jours. Les possibilités sont infinies. On se laisse porter par la beauté des lieux qui nous entoure, faisant confiance à notre instinct.

Le nôtre nous a conduit sur la Carretera Austral en février 2013. Nous avons entrepris la traversée de cette route au cours d’un long voyage en Amérique du Sud, en 4x4. Voyager sur ces routes avec sa propre voiture aménagée (un 4x4 de préférence), est plein d’avantages : une grande liberté : pas de limite autre que celle que l’on se fixe, pas de contrainte autre que les siennes. Une grande indépendance : partir à tout moment, arriver quand bon nous semble, dormir n’importe où, dans la nature sauvage, au cœur de l’événement, emprunter les itinéraires annexes les plus reculés, sans se soucier des horaires, des correspondances et autres contraintes du backpacker.

Nos choix d’itinéraires nous ont amené à rejoindre le passage frontalier de Chile Chico au Nord de Villa O’Higgins depuis Frutillar par la Ruta 7 et ses pistes annexes, empruntant tour à tour plusieurs ferrys. 

Une diversité extraordinaire

Au cours de cette traversée, nous avons croisé un Puma lors d’une randonnée dans la Reserva Nacional Llanquihue, admiré le va-et-vient des bateaux de pêcheurs et des ferrys à la tombée de la nuit dans le port de Hornopirén, randonné sous une pluie battante pendant deux jours dans le Parc Pumalin, aidé pendant quelques jours à la construction du Parc National Patagonia, nettoyant, fléchant, débroussaillant les lieux pour accueillir le futur parc, observé trois caballeros à l’entrainement à Chaitén avant une folle nuit de tempête, dévoré une côte de bœuf lors d’un asado à Coyhaique en compagnie de la police locale, refait le monde devant un autre sublime coucher de soleil depuis un promontoire surplombant le Lago General Carrera, vu la pluie, la grêle, le vent, la neige puis enfin le soleil en moins de cinquante kilomètres vers Chile Chico, avant de rejoindre le côté argentin de la Patagonie et continué notre descente vers Ushuaia.

Il n’existe pas de tracé prédéfini, pas de tour organisé ou de moyen facile et rapide de « visiter » la Carretera Austral. A pied, à vélo ou en 4x4, en trois jours ou en trois mois, chacun fait son chemin, trace sa route, à la manière des pionniers venus du monde entier des siècles auparavant et qui ont façonné cette légende patagonne. La Carretera Austral, ce n’est pas du tourisme, c’est l’aventure, la découverte de la vraie Patagonie, authentique et préservée. Marcel Proust disait, “Le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages, mais à avoir de nouveaux yeux. ” Ici, sur la Ruta 7, j’ai vu plus qu’avec des yeux neufs, j’ai ressenti avec tous mes sens et mon cœur le grand mystère de la Patagonie.