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Mathilda PanigadaMathilda Panigada, Le vendredi 19 novembre 2021
Chefs

Rencontre avec Charles Coulombeau, nouveau gardien de La Maison dans le Parc à Nancy

Dans les assiettes signées Charles Coulombeau, on lit aussi bien la rigueur acquise auprès d’Olivier Brulard, que la créativité insufflée par les récentes pérégrinations du chef au Japon. Rencontre avec un jeune talent, qui promet de faire briller les étoiles au-dessus de sa Maison nancéienne.
  • Le chef Charles Charles Coulombeau, nouveau chef de La Maison dans le Parc à Nancy © DR
    Le chef Charles Charles Coulombeau, nouveau chef de La Maison dans le Parc à Nancy © DR
  • La Maison dans le Parc – Salle © DR
    La Maison dans le Parc – Salle © DR
  • Le chef Charles Charles Coulombeau et sa compagne Roxane à La Maison dans le Parc à Nancy © DR
    Le chef Charles Charles Coulombeau et sa compagne Roxane à La Maison dans le Parc à Nancy © DR
  • La Maison dans le Parc – Crabe et coing © DR
    La Maison dans le Parc – Crabe et coing © DR

Il n’aura pas fallu bien longtemps à Charles Coulombeau pour auréoler la Maison dans le Parc d’un prestige renouvelé. Fraîchement propriétaire des lieux, avec son épouse Roxane, le chef avait pour mission de succéder à Françoise Mutel, qui avait créé le restaurant à Nancy en 2007, puis l’avait étoilé en 2014. Pari réussi pour le jeune prodige normand, qui signe pour la maison lorraine une carte technique, moderne et terriblement inventive. Rencontre. 

 

YONDER : Bonjour Charles, pour commencer, pouvez-vous nous raconter comment vous vous êtes pris de passion pour la cuisine ? 

Charles Coulombeau : Je suis tombé dedans deux fois. La première, c’était en observant mon père, qui a toujours aimé cuisiner. C’est quelqu’un d’assez pudique, et j’étais fasciné par le fait de voir les réactions et les émotions que sa cuisine procurait aux invités. Il avait même un petit carnet dans lequel il notait ses recettes, pour être sûr de ne jamais les refaire deux fois aux mêmes personnes. La deuxième, c’est après m’être cassé la main durant mes études, alors que je suivais un cursus sportif. Il a fallu que je me demande ce que j’allais faire ensuite. J’avais un copain au lycée hôtelier de Biarritz, et j’ai décidé de le suivre. Là-bas, j’ai retrouvé les valeurs du sport auxquelles j’étais attaché, mais aussi une certaine forme de discipline. Ça m’a fait du bien d’être un peu encadré.

  • La Maison dans le Parc — salle © DR
  • La Maison dans le Parc — Variation de betteraves © DR

 

Ensuite, vous ne perdez pas de temps, et tout s’enchaîne pour vous. 

Je fais un stage de deux mois au Relais de la Poste de Jean Coussau [2-étoiles Michelin dans les Landes, NDLR]. Là, je tombe amoureux du beau produit. C’est le Pays Basque, et on ne travaille que des produits locaux. Du cochon basque, de la truite de Banka, des asperges de Magescq, du foie gras d’un producteur qui ne travaille que pour Jean Coussau. À l’époque, on ne parlait même pas de bio, parce que c’était une évidence ! Puis je passe par les Frères Ibarboure où je rencontre Roxane, ma femme [qui dirige aujourd’hui la salle avec un sens certain de l’hospitalité, NDLR]. Ensemble, on part chez Michel Guérard aux Prés d’Eugénie, où je deviens chef de partie, même si je sors seulement d’apprentissage. 

« Chez Lameloise, je deviens le plus jeune saucier de l’histoire du restaurant ».

Puis c’est la rencontre qui change tout. Ou plutôt, les rencontres ! 

C’est ça ! Déjà, c’est là que je rencontre Roxnne, qui est aujourd’hui mon épouse. Depuis, on ne s’est plus quittés ! Puis Olivier Brulard, qui est alors chef exécutif chez Michel Guérard, et devient rapidement mon mentor. C’est lui qui m’apprend la rigueur du métier, et la façon dont on manage une équipe. Là-bas, c’est un autre niveau, un autre fonctionnement. On voit passer des gros volumes, et il faut pouvoir suivre la cadence. Prendre des notes, observer, et se bouger ! Et puis c’est un autre mode de fonctionnement, à la normande : si tu as problème, c’est aussi que tu as aussi la solution (rires).

C’est formateur, et ça me permet de décrocher le poste de chef de partie à Lameloise, alors que j’ai seulement 22 ans. Je deviens le plus jeune saucier de l’histoire du restaurant. Puis à ce moment-là, Roxane commence à avoir besoin d’un bon niveau d’anglais pour évoluer dans son poste. On est pris tous les deux au Gravetye Manor, entre Londres et Brighton, où l'on passe trois ans et demi. 

  • Ris de veau © Maison du Parc
    Ris de veau © La Maison dans le Parc

 

Est-ce que ça n’est pas un peu difficile de s’acclimater à la gastronomie anglaise après avoir fait ses armes dans certaines des plus belles adresses de l’Hexagone ? 

Pas forcément, parce qu’il y a de très belles maisons en Angleterre, on est loin des clichés sur la cuisine anglaise. C’est surtout la mentalité qui est différente. On parle de 70 couverts par service, dans un restaurant ouvert 7 jours sur 7, et qui vise toujours plus. Au bout d’un moment, ça ne m’intéressait plus. Quand le manoir a fermé pour travaux, on a profité de l’opportunité pour partir au Japon, qui nous attirait depuis très longtemps. On a travaillé dans un Relais & Châteaux, et on a visité le pays. Pour moi, ça a été une véritable révélation.

C’est donc pour ça que l’on retrouve autant d’inspirations asiatiques dans votre cuisine ! 

C’est vrai que j’ai eu un vrai coup de cœur pour le pays, pour la gentillesse et pour la rigueur des gens. Aujourd’hui, j’essaie d’appliquer certaines techniques japonaises traditionnelles au produit lorrain. Comme par exemple le « ikejime », qui consiste à recevoir le poisson vivant et le tuer sans stress et sans douleur, pour préserver la tendresse et les saveurs de la chair. Globalement, on est sur une cuisine influencée, mais pas fusion. 

  • La Maison dans le Parc — extérieur © DR
  • La Maison dans le Parc — Charles Coulombeau © DR

 

En revenant du Japon, pourquoi avoir jeté votre dévolu sur la Maison dans le Parc ? 

En Angleterre, j’ai remporté le prix Taittinger, et ça m’a permis de bénéficier d’une belle exposition. On s’est dit que c’était le moment de revenir en France et de se poser. On a eu de nombreuses sollicitations, mais tout a été mis à l’arrêt au début de la pandémie. On a donc fait appel à un chasseur de têtes, qui nous a mis en contact avec Françoise Mutel et sa fille. On a eu un coup de cœur pour les propriétaires, mais aussi pour la région et pour le lieu. C’était un restaurant prêt à l’emploi, avec le matériel, le staff, la renommée… Tous les marqueurs étaient au vert. 

Et justement, est-ce que vous avez gardé certains plats ou certains éléments de la carte de Françoise Mutel ? 

J’ai gardé l’esprit de la maison, la bienveillance, mais le but c’est avant tout de livrer ma propre vision de la gastronomie. 

« Les échanges avec les producteurs influencent énormément notre carte et notre manière de cuisiner ».

Et justement, la gastronomie selon Charles Coulombeau, c’est quoi ?

C’est surtout un état d’esprit : faire les choses bien, sans raccourcis, en restant honnête et sincère. C’est respecter le produit, donner du plaisir, et offrir la même expérience à tous les clients, sans distinction. Mais c’est aussi une certaine éthique de travail, inspiré de la philosophie japonaise : travailler sur la gestion du stress en cuisine pour que tout le monde puisse s’épanouir pleinement dans ce qu’il fait. 

Et la cuisine de Charles Coulombeau ? 

C’est d’abord des bases solides en matière de cuisine française, et un vrai travail sur les sauces. C’est une cuisine technique et inventive, mais surtout respectueuse du produit. Mon objectif, et celui de mon équipe, consiste à réduire au maximum le périmètre de sélection des produits. Par exemple, l’agneau vient de la ferme de la Bonne Haye à Contrexéville, la plupart des poissons de la pisciculture du Frais Baril, dans les Vosges, les légumes de la Ferme du Pichou, en Meurthe-et-Moselle. La mirabelle de Nancy nous a inspiré un très beau dessert, qu’on associe à une vodka lorraine fabriquée à une quarantaine de kilomètres d’ici. Si on ne trouve pas ce qu’il nous faut en local et en bio, on se tourne vers ce qui se fait de mieux en termes de qualité. En ce moment, la côtelette et la selle d’agneau de lait qu’on trouve en ce moment à la carte vient de chez Metzger. En parallèle, les échanges avec les producteurs influencent énormément notre carte et notre manière de cuisiner.

  • © La Maison du Parc
    © La Maison dans le Parc

Et dans l’assiette, comment se traduit cette philosophie ?

Il y a une part de pédagogie à faire auprès des clients. Beaucoup sont des habitués de la maison, et on ne veut pas complètement les déstabiliser. Par exemple, cette semaine, on propose encore de la barbue à la carte, mais en discutant avec les pisciculteurs, on a décidé de réduire l’achat de produits sourcés en haute mer. On s’est rendu compte qu’on pouvait faire de très belles choses avec les poissons de rivière. Par exemple, la truite du Frais Baril, qu’on fait confire dans une cire d’abeille coulée devant les clients.

On vise aussi une politique 100% zéro déchet, et on fait vraiment en sorte d’utiliser le produit dans sa totalité. C’est le cas avec les tomates de la ferme du Pichou, qu’on propose en entrée. Toute la tomate est utilisée, il ne reste rien ! Idem avec le pigeon des Vosges de Thierry Laurent, dont on cuisine le cœur, le foie, la carcasse, et qu’on présente dans l’assiette avec la patte entière. Il ne reste que la tête que l’on n’utilise pas… Pour le moment ! 

Un petit mot sur les nouveautés à venir ? 

On a de très belles créations qui arrivent à la carte du nouveau menu de saison. Par exemple une entrée à base de céleri rave, décliné dans l’assiette en 14 façons différentes ! Ou encore un magret de canard qu’on va accompagner de topinambours et de pommes Akane que l’on a passé dans la centrifugeuse pour en extraire le jus et en faire un caramel. En dessert, on aura une belle alliance de kaki et de miel, qui est d’ailleurs produit par la famille de l’une de nos collaboratrices. On a aussi plein d’idées pour ancrer notre démarche zéro déchet. Par exemple, on aimerait lancer notre propre bière, réalisée à partir du pain que l’on n’utilise pas.

  • La Maison du Parc — asperges et champignons © DR
  • La Maison du Parc — Wings fumés © DR

 

Pratique

La Maison dans le Parc

Menus du moment
3 services à 72 €

Menu dégustation
6 services à 105 €
hors boissons

3 Rue Sainte-Catherine, 54000 Nancy

Site Web de La Maison dans le Parc

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