Mathieu BelayMathieu Belay, Le dimanche 07 février 2016
Restaurants

Les 50 meilleurs restaurants de Paris #2 : Le Pré Catelan (chef Frédéric Anton)

Direction le Bois de Boulogne pour la suite de notre cycle consacré aux 50 meilleures tables parisiennes. Après le Grand Véfour, c’est un autre monument de la gastronomie française que nous venons visiter, le Pré Catelan, une table trois étoiles où officie Frédéric Anton.
  • Bienvenue au Pré Catelan, indéniablement l'un des plus beaux restaurants parisiens © Le Pré Catelan
    Bienvenue au Pré Catelan, indéniablement l'un des plus beaux restaurants parisiens © Le Pré Catelan
  • L'une des créations hyper graphiques de Frédéric Anton, le chef trois étoiles qui officie ici © Le Pré Catelan
    L'une des créations hyper graphiques de Frédéric Anton, le chef trois étoiles qui officie ici © Le Pré Catelan
  • Frédéric Anton, chef trois-étoiles et Meilleur Ouvrir de France 2007 dans les cuisines © Le Pré Catelan
    Frédéric Anton, chef trois-étoiles et Meilleur Ouvrir de France 2007 dans les cuisines © Le Pré Catelan
  • Le Pré Catelan, c'est aussi une salle fastueuse au sein d'un pavillon Napoléon III du Bois de Boulogne © Le Pré Catelan
    Le Pré Catelan, c'est aussi une salle fastueuse au sein d'un pavillon Napoléon III du Bois de Boulogne © Le Pré Catelan
Le Pré Catelan, transformé en restaurant sous l’égide de M. Paillard puis de Léopold Mourier, le célèbre propriétaire du Fouquet’s, est alors couru par le Tout-Paris de l'époque.

On a inauguré notre série dédiée aux 50 meilleures tables parisiennes par un article consacré dédié au Grand Véfour, un temple de la gastronomie qui contribua à définir la notion même de restaurant.

Cap sur le Bois de Boulogne pour la seconde étape de notre tour de Paris des meilleurs restaurants. Notre destination ? Un autre monument de l’art de vivre à la française, le mythique Pré Catelan.
 

Le pitch : la rencontre d’un lieu mythique et d’un chef d’exception

Le Pré Catelan donc. Si le nom est connu des Parisiens, tous n’ont pas eu la chance de pousser la porte de ce cossu pavillon en plein cœur du Bois de Boulogne, Paris 16.

Un rapide rappel historique s’impose donc. Nous sommes au tout début du XXème siècle en pleine Belle Époque. La Ville de Paris souhaite édifier un casino-restaurant de luxe en bordure de Paris dans ce vaste espace vert qu’est le Bois de Boulogne. Si le projet de salle de jeu tombe à l’eau, l’opulent pavillon Napoléon III est lui sorti de terre. Rapidement, le lieu est transformé en restaurant sous l’égide de M. Paillard, à qui l’on doit le Pavillon Paillard sur les Champs-Elysées (ancêtre de l'actuel pavillon Élysée-Lenôtre) puis de Léopold Mourier, le célèbre propriétaire du Fouquet’s, une autre grande adresse parisienne du tournant du siècle. Le Pré Catelan est alors couru par le Tout-Paris de l'époque.

Après être passé entre les mains de Drouant, c’est finalement Gaston Lenôtre qui fait main basse sur l’établissement au milieu des années 1970. Le pavillon est remis à neuf, des investissements colossaux sont réalisés mais vingt ans plus tard l’institution vacille. Le restaurant gastronomique de la route de Suresnes n’a plus qu’une étoile, la clientèle déserte les lieux. Il faut faire quelque chose.

Vue panoramique du pavillon Napoléon III du Pré Catelan, au coeur du Bois de Boulogne © Le Pré Catelan
 

Le style Anton ? Le culte du produit, une technique sans faille, la recherche permanente de la perfection.


En 1996, Patrick Scicard, président de Lenôtre, propose à un jeune chef de reprendre les rênes de la maison. Frédéric Anton n’a que 33 ans mais son parcours est plus que prometteur. Il a fait ses classes auprès de chefs emblématiques de l’époque (Gérard Veissière, Robert Bardot, Gérard Boyer), travaillé dans un château réputé, les Crayères à Reims et surtout il a côtoyé au quotidien le « cuisinier du siècle » Joël Robuchon chez Jamin puis avenue Raymond Poincaré.

Le chef, fougueux, décide alors de relever le défi. L’objectif ? Redonner au Pré Catelan ses lettres de noblesse gastronomique.

Le succès est immédiat. En 1999, le restaurant retrouve sa deuxième étoile Michelin. Mais Anton, ne compte pas se reposer sur ses lauriers. Énorme bosseur, il va continuer à travailler encore et encore pour atteindre la perfection. « Je n'ai pris aucunes vacances pendant dix ans, et les rares week-ends que je m'octroyais, je partais avec le coffre de la voiture plein de bouquins de cuisine», expliquait-il à L’Express en 2007, après avoir gagné la troisième étoile Michelin, la consécration suprême pour un chef. Entre temps, le chef originaire des Vosges en avait profité pour remporter le concours de Meilleur Ouvrier de France en 2000. Une preuve de plus de son engagement constant derrière les fourneaux, de sa quête sans fin d’excellence.

Le style Anton ? Le culte du produit, une technique sans faille, la recherche permanente de la perfection. Sans cesse, il cherche à améliorer ses meilleures recettes et ses plats signatures. En véritable « horloger de la cuisine », le chef au col bleu-blanc-rouge travaille autant le goût que le visuel de ses assiettes sans jamais perdre de vue l’essentiel : le plaisir de manger ou l’importance de faire revenir le client dans son restaurant.

Le début des années 2010 marque ensuite la consécration du Vosgien auprès du grand public. Réputé discret, il fait le saut dans le grand bain médiatique en devenant juré de MasterChef. S’en suivront quelques années intenses pour le chef qui finira par raccrocher les gants, et avant que TF1 ne mette fin à l’émission, pour retourner là où il se sent le mieux, dans les cuisines du Pré Catelan.
 

Dans l’assiette

On en vient au cœur du sujet : la découverte de la cuisine de Frédéric Anton. C’est forcément un peu intimidé que l’on s’installe dans la salle fastueuse du Pré Catelan. Après tout ce n’est pas tous les jours que nous déjeunons dans un restaurant triplement étoilé.

On salive devant la carte en pensant à ce que le chef a préparés. Très vite, on débute les hostilités avec un chaud-froid d’oignons, truffe et crème de champignons.
 

Chaud-froid d’oignons, truffe et crème de champignons : une mise en bouche réussie © Yonder.fr

 

Cette mise en bouche, délicieuse, n’a rien d’anecdotique. Au-delà de ses qualités intrinsèques, elle donne le ton pour la suite : des goûts exaltés, une composition hyper lisible (comme il paraît simple de percevoir chaque saveur) et une gourmandise toujours présente. Pour Frédéric Anton, haute cuisine et sophistication ne sont pas synonymes d’une complexification vaine ou d’une intellectualisation à outrance de la cuisine.

L’exécution est magnifique, le produit sublimé à l’extrême. Voilà le genre de plats dont on se rappellera encore dans plusieurs années.


Revenons-en à nos moutons avec l’arrivée de la première entrée, un plat signature du chef qu’il fera découvrir au plus grand nombre à l’occasion du festival Taste of Paris (du 11 au 14 février 2016) au Grand Palais. Juchée sur un impressionnant bloc de glace, l’aubergine préparée en caviar, parfumée au curry, agrémentée d’oignons frits… et de caviar de France. Que dire tant cette entrée se révèle parfaite. Jeu de textures entre le confit de l’aubergine et le croustillant des oignons frits, utilisation subtile et inattendue du curry, finesse du caviar, on est là dans de la très grande cuisine.
 

L’aubergine : une grande entrée pour débuter ce déjeuner © Yonder.fr

 

Et on continue dans la même veine avec un second plat emblématique de Frédéric Anton, également présenté à Taste of Paris édition 2016 avec ce tapioca (les « Perles du Japon ») façon risotto, parmesan, truffe, peau de lait et jus gras, crémeux à souhait, gourmand à mourir. Le visuel est sublime, le plaisir en bouche à la hauteur de celui des yeux avec au cœur de l’assiette un ingrédient que l’on a pas l’habitude de voir sublimé, le tapioca.
 

Les "Perles du Japon", tapioca façon risotto © Yonder.fr

 

Arrive la Saint-Jacques dans une construction spectaculaire puisque ce ne sont pas moins de quatre déclinaisons qui composent ce plat. La première Saint-Jacque frétille. Elle cuit devant nos yeux sur un galet chaud. À nous de la saisir selon notre goût. La dégustation des autres Saint-Jacques est ensuite un aperçu du talent de Frédéric Anton qui se fait plaisir à travers ce plat protéiforme. L’acidité de la pomme pour la seconde assiette, la rusticité de ces bardes préparées comme des tripes au jus exquis dans la troisième, la fraîcheur du citron rehaussé de caviar pour la fin. Tout est minutieux, précis, racé.
 

La première des quatre Saint-Jacques est servie fraîche, en train de cuire sur un galet chaud © Yonder.fr

 

Citron et caviar pour accompagner la dernière des quatre Saint-Jacques © Yonder.fr

 

 

Enfin, ce qui restera, de notre point de vue, le chef d’œuvre de ce déjeuner : le cabillaud aux algues, avec une sauce au beurre blanc et zeste de citron vert, accompagné d’une purée à l’huile d’olive. Le poisson est sublime, parfaitement nacré en son cœur. La composition va à l’essentiel, ne se perd pas dans une sophistication superflue. L’exécution est magnifique, le produit sublimé à l’extrême. Voilà le genre de plats dont on se rappellera encore dans plusieurs années. La preuve que la haute cuisine, celle qui se voit récompensée de trois étoiles par le Michelin, sait aussi rester simple et accessible.
 

Le cabillaud © Yonder.fr

 

 
La chair du poisson, parfaitement nacrée © Yonder.fr

 

On termine notre déjeuner par l’une des créations sucrées de la carte. Devant nous un dessert inspiré de la traditionnelle tarte au citron meringuée [NDLR : un plat qui figure également au menu de l'édition 2016 de Taste of Paris]. L’exercice est périlleux, la tarte au citron, par nature très sucrée, est souvent écœurante.

Mais c’est sans compter sur le talent de Christelle Brua, chef pâtissière aux côtés de Frédéric Anton au Pré Catelan depuis plus de 10 ans. Elle revisite avec maestria la pâtisserie, sorbet au basilic à l’appui, pour imaginer un dessert frais et aérien qui vient conclure avec beaucoup d’élégance un déjeuner parfait à tout point de vue. Bravo M. Frédéric Anton. Bravo Mme Christelle Brua.

L’écrin réinventé par Pierre-Yves Rochon est définitivement à la hauteur de la cuisine de haut vol préparée par Frédéric Anton.


Dans la salle

De Pierre-Yves Rochon on connaît surtout son travail dans l'univers de l'hôtellerie de luxe, pour les plus grands palaces du monde entieren particulier . Au Four Seasons George V ou aux Crayères mais aussi aux quatre coins du monde de Shanghai (The Peninsula) à Vienne (Hotel Sacher) en passant par Florence (Four Seasons) ou Londres (Savoy). On sait moins que l’architecte d’intérieur français travaille ponctuellement sur des projets de restaurant comme cela a été le cas à la fin des années 2000 au Pré Catelan.

Il a redonné au lieu son lustre d’antan, réinventant la salle avec ce style néo-classique qu’il maîtrise si bien. Vert, noir, blanc et argent sont les couleurs dominantes d’un décor mêlant habilement classicisme et touches design pour un résultat aussi fastueux qu’élégant. Et en réduisant le nombre de couverts de 72 à 50, le Pré Catelan offre à ses convives rares à Paris : l’espace. On ne se sent jamais à l’étroit dans cette salle aux volumes impressionnants, ouverte sur la verdure extérieure. L’écrin est définitivement à la hauteur de la cuisine de haut vol préparée par Frédéric Anton.

Le luxe à la française dans la fastueuse salle du Pré Catelan revue et corrigée par Pierre-Yves Rochon © Yonder.fr

 

Le service

Que dire du service si ce n’est qu’il est lui aussi impeccable, assuré par un bataillon de maîtres d’hôtels et serveurs se déplaçant avec grâce dans la salle du Pré Catelan ?

Sous la houlette de Jean-Jacques Chauveau, directeur de salle mythique de l’établissement (il y officie depuis près de quatre décennies), le service est enlevé, rythmé, harmonieux. À un instant on notera à peine ce serveur venu retirer une assiette vide pour poursuivre la suite de la dégustation. À un autre moment on échangera avec plaisir quelques mots avec le maître d’hôtel venu s’enquérir de notre opinion, le tout sans la moindre obséquiosité. Trouver cet équilibre entre discrétion et prévenance dans un grand restaurant n’est jamais simple. Les équipes du Pré Catelan excellent en la matière.

Est-ce que manger dans l’un des meilleurs restaurants de France mérite 250€ ? Sans aucun doute, oui.


L’addition

Menus dégustation à 220€ et 280€ en respectivement six et huit séquences. Comptez 250€ à la carte (entrée, plat, dessert) tandis qu’un menu allant à l'essentiel (entrée, plat, fromage, dessert) est proposé à 130€ au déjeuner uniquement.

Les chiffres peuvent donner le tournis au premier abord mais quand on passe un tel moment d’exception (cuisine, décor, service), on comprend rapidement que ces prix sont amplement justifiés. Est-ce que manger dans l’un des meilleurs restaurants de France mérite 250€ ? Sans aucun doute, oui.
 

Le mot de la fin

Difficile de ne pas encenser le Pré Catelan après un tel déjeuner. Les équipes du célèbre pavillon du Bois de Boulogne écrivent une partition sans faute, alliant le génie culinaire de Frédéric Anton, technicien hors pair et créateur inspiré, aux compétences indiscutables de Jean-Jacques Chauveau en salle, sans oublier les formidables créations pâtissières de Christelle Brua ou le décor ultra chic signé Pierre-Yves Rochon.

On touche du doigt la perfection au Pré Catelan. Une expérience qu’il est plus que recommandé de venir vivre au moins une fois dans sa vie pour qui s’intéresse de près ou de loin à la gastronomie.

À lire également : notre interview exclusive avec Frédéric Anton, chef du Pré Catelan

 

Pratique

Le Pré Catelan

Route de Suresnes, 75016 Paris Bois de Boulogne

Du mardi au samedi, ouvert pour le déjeuner et le dîner. Fermé les dimanche et lundi.

Menu dégustation à 220€ et 280€ en respectivement six et huit séquences. Comptez 250€ à la carte (entrée, plat, dessert).
Au déjeuner, un menu entrée / plat / fromage / dessert est proposé à 130€ (170€ avec la sélection de vins de David Rivière).

Réservations sur le site Web du restaurant.

Téléphone : 01 44 14 41 14

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