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Mireille GignouxMireille Gignoux, Le jeudi 17 août 2023
Notre avis

Polynésie : on a testé la croisière aux îles Marquises sur l’Aranui 5

Cap sur les antipodes ! En Polynésie française, l'Aranui 5 relie Tahiti aux mythiques Marquises, ravitaillant en vivres les six îles habitées de l'archipel. Embarquement sur ce confortable cargo mixte pour deux semaines de navigation exceptionnelle.
  • L'Aranui 5 dans la baie de Puamau, sur l'île d'Hiva Oa (Îles Marquises) © DR
    L'Aranui 5 dans la baie de Puamau, sur l'île d'Hiva Oa (Îles Marquises) © DR
  • Tiki géant sur sur l'île d'Hiva Oa © DR
    Tiki géant sur sur l'île d'Hiva Oa © DR
  • La tombe de Paul Gauguin sur l'île de Hiva Oa © DR
    La tombe de Paul Gauguin sur l'île de Hiva Oa © DR
  • Hatihe'u est un village de Nuku Hiva, dans les îles Marquises © DR
    Hatihe'u est un village de Nuku Hiva, dans les îles Marquises © DR
  • Coucher de soleil sur Hana Vave, la baie la plus septentrionale de la côte ouest de Fatu Hiva © Mireille Gignoux
    Coucher de soleil sur Hana Vave, la baie la plus septentrionale de la côte ouest de Fatu Hiva © Mireille Gignoux
  • Tahuata, la plus petite île habitée des Marquises © Tahiti Tourisme
    Tahuata, la plus petite île habitée des Marquises © Tahiti Tourisme
La façon la plus intime de s’immerger dans la vie marquisienne est d’embarquer à bord de l’Aranui 5.

Si Tahiti, Moorea et Bora-Bora arrivent en tête des îles visitées lors d’un premier voyage en Polynésie, l’archipel des Marquises, plus isolé et mieux préservé, est parfois également au programme. Peintes par Paul Gauguin, chantées par Jacques Brel, ces îles, d’origine volcanique, dépourvues de lagon, émergent du Pacifique sud à 1,500km de Tahiti. Vertigineux à-pics tapissés d’une luxuriante végétation, côtes déchiquetées surplombées de falaises ou abritant des plages de sable : cette nature brute est ponctuée de sites archéologiques et de rares villages, où les habitants ont à cœur de faire découvrir leurs traditions.

On pourrait se contenter de visiter les trois îles de l’archipel disposant d’un aérodrome. Mais la façon la plus intime de s’immerger dans la vie marquisienne et d’être au premier rang pour contempler les somptueux paysages est d’embarquer à bord de l’Aranui 5. Ce cargo mixte constitue le lien vital entre ces confettis au cœur du Pacifique et le monde extérieur. Grâce à son faible tirant d’eau (5,2m), le navire de 126m de long peut se glisser dans de petites baies inaccessibles aux paquebots. Ce qui lui permet d’assurer le ravitaillement des six îles habitées et d’offrir, à deux cents amoureux de terres lointaines, une aventure de 4,500km au départ de Papeete, via les Tuamotu et les îles de la Société.

Une navigation exceptionnelle que nous vous invitons à découvrir. Mave Mai (bienvenue) !


En prémabule aux Marquises

 

Jour 1 : premier jour sur l'Aranui, "grand chemin" en maori

Vers midi, le navire largue les amarres. Les verdoyants sommets qui dominent Papeete s’estompent peu à peu, tandis que les passagers commencent à s’approprier le navire. Côté poupe : cent confortables cabines de 12 à 30m2, quatre dortoirs, un restaurant, quatre bars, des ponts soleil, une petite piscine, une boutique et un spa. Un confort et des prestations haut de gamme distillés dans un esprit d’authenticité.

Côté proue, deux énormes grues dominent les 2,500 tonnes de marchandises (denrées alimentaires, boissons, machines à coudre, téléviseurs, camionnettes…) attendues avec impatience par les Marquisiens. Sacs de coprah (chair séchée de noix de coco), agrumes, fûts de jus de noni (fruit reconnu pour ses vertus médicinales), produits artisanaux... seront chargés en retour. On est loin des paquebots-villages avec discothèque et casino. Les escales de trois à cinq heures sont rythmées par les contraintes du fret, comme à l’époque où l’Aranui 1 transportait dans ses soutes ciment et autres matériaux pour la construction des routes, des dispensaires, des écoles… il y a plus de quarante ans.

  • Aranui 5 © DR
  • Aranui 5 © DR

 

 

Jour 2 : l'atoll de Fakarava

Première escale dans les Tuamotu, archipel d’îles coralliennes, sur l’atoll de Farakava, classé réserve de biosphère par l’UNESCO. Des bouquets de cocotiers, ébouriffés par les alizés, en dessinent les contours. Par la passe de Garuae, l’Aranui pénètre dans le lagon, déclinant d’infinies nuances de bleu.

Débarquement en baleinière sur le petit quai de Rotoava. L’unique route se faufile entre maisons basses auréolées de bougainvilliers et d’hibiscus et plages de sable fin. Au programme, baignade (chaussures de mer impératives) ou snorkeling parmi la multitude de poissons multicolores qui évoluent entre les coraux (on peut emprunter masque et tuba à bord).

En option : les plongeurs certifiés pourrront admirer le mur de requins citron et requins à pointe blanche dans la passe de Garuae, l’un des plus beaux spots sous-marins de Polynésie.

  • Atoll de Fakarava © Mireille Gignoux

 

Jour 3 : cap sur les Marquises

Cap sur les Marquises, peuplées vers 900 par des hommes venus en pirogue depuis les Tonga et la Mélanésie. Trente heures de navigation sans croiser le moindre bateau, sans apercevoir le moindre îlot à l’horizon. Rien que le bleu des mers du sud.

À bord, une ambiance conviviale s’est instaurée, favorisée par les cent membres d’équipage. Essentiellement Marquisiens, ils racontent volontiers l’histoire de l’archipel (également appelé Fenua Enata, qui signifie « Terre des hommes »). Tatoué des pieds à la tête, Mahalo, qui n’a jamais quitté le bord depuis l’Aranui 1, est intarissable sur la légende de la création des Marquises par le dieu Oatea (chaque île serait l’un des piliers de fondation d’une divine maison).

La ronde des chalands, chargés de denrées alimentaires, a commencé avant même que les passagers ne débarquent en baleinière.

Les Marquises du Sud

 

Jour 4 : Hiva Oa, dernier refuge de Gauguin et Brel

— Côte Est / Dans l’archipel, il faut avancer sa montre d’une demi-heure.

Arrivée au lever du soleil dans la baie de Puamau, lovée dans un cirque montagneux, baigné par une plage de sable gris. La ronde des chalands, chargés de denrées alimentaires, a commencé avant même que les passagers ne débarquent en baleinière. En 4x4, ils rejoignent le site de Mea’e Lipona, sanctuaire religieux, entouré de manguiers, papayers, arbres à pain, où se dressent cinq tikis monumentaux, sculptés dans du tuf volcanique rouge. Le Takaii (2,67m), le plus grand de Polynésie, représente un chef guerrier réputé pour sa force. Plus petits que les moais de l’île de Pâques, ces tikis, qui ont échappé aux destructions lors de l’évangélisation des îles en 1838, témoignent d’une civilisation marquisienne pré-européenne.

  • Hiva Oa - Plage de Puamau © Mireille Gignoux

 

— Côte Sud

L’Aranui s’amarre au quai d’Atuona. Une bourgade aux jardins croulant sous les frangipaniers, cernée de parois vertigineuses. La quiétude ambiante a séduit Paul Gauguin et Jacques Brel. Tous deux reposent au petit cimetière accessible depuis le port. En contrebas, le centre culturel Paul Gauguin rassemble une réplique vide de la Maison du Jouir, où le peintre peignait la vie qui lui échappait, et un petit musée affichant des reproductions de ses toiles.

À côté dans un hangar, l’Espace Brel évoque la vie de celui que l’on surnommait ici « l’homme à l’avion » : chansons diffusées en boucle, affiches de spectacles sur les murs et au plafond, Jojo, son Beechcraft, avec lequel il jouait au flying doctor.

 

Jour 5 : Tahuata, la plus petite île habitée

La baie de Vaitahu fut le théâtre d’épisodes importants dans le destin de l’archipel. En 1595, l’explorateur espagnol Álvaro de Mendaña y jeta l’ancre et baptisa l’ensemble Las Marquesas de Mendoza, du nom de son mécène, le vice-roi du Pérou. Puis le village devint le point d’ancrage de l’évangélisation, comme l’évoque l’église moderne au style mi-européen, mi-marquisien. Autre date charnière : son rattachement à la France en 1842 par un traité signé entre l’amiral Dupetit-Thouars et le chef Iotete.

L’artisanat constitue pour les 200 habitants un complément de revenus : sculpture de motifs traditionnels sur du bois de rose et des os de bœuf, élaboration de monoï à base d’huile de coco et fleurs de tiare.

  • Arc-en-ciel sur Tahuata © Mireille Gignoux

 

Jour 6 : Fatu Hiva, l’île du bout du monde

Au sud de l’île, à Omoa, les femmes perpétuent l’art séculaire du tapa. Ces étoffes végétales, fabriquées à partir d’écorces de banians, battues pour être aplaties, et peintes de motifs inspirés des anciens tatouages, servaient autrefois à la confection de vêtements.

Pour les plus sportifs (chaussures de marche impératives), une randonnée de 17km avec 650m de dénivelé) permet de rallier sur la côte nord-ouest le village d’Hanavave, en face duquel l’Aranui aura jeté l’ancre, les non-marcheurs à son bord. Dans la descente, l’itinéraire offre des vues spectaculaires sur les pitons aux formes phalliques de la baie des Vierges. Une appellation donnée par les missionnaires qui la jugeaient moins imagée que la baie des Verges, son nom initial.

  • Fatu Hiva (Îles Marquises) © Mireille Gignoux
  • Coucher de soleil sur Hanavave (Îles Marquises) © Mireille Gignoux

 

Au petit matin, chacun retient son souffle lorsque l’Aranui se positionne à l’entrée d’une étroite échancrure, nommée Invisible Bay.

Les Marquises du nord

 

Jour 7 : Nuku Hiva, la plus grande et la plus peuplée (3,000 habitants)

Les premiers rayons du soleil enflamment les montagnes campées en amphithéâtre autour de la rade. Dans le village de Taiohae, la cathédrale Notre-Dame, renommée pour ses sculptures en bois, montre un Jésus priant sous un arbre à pain (l’artiste n’avait jamais vu d’olivier).

Par une route escarpée entre pics vertigineux et vallées profondes, où gambadent chèvres et cochons sauvages, les 4x4 rejoignent Hatiheu pour déjeuner chez Mamie Yvonne. Dans le four marquisien creusé dans la terre, légumes, fruits de l’arbre à pain et porcelet ont cuit à l’étouffée des heures durant, enveloppés dans des feuilles de bananiers et recouverts de tapa.

Militante de la première heure, Yvonne, 80 ans, se bat depuis des décennies pour la préservation du patrimoine, en particulier pour Tohua kamuihei, le plus ancien site archéologique de l’archipel. Cet amas de blocs basaltiques, ornés d’énigmatiques pétroglyphes représentant animaux et figures humaines, n’a pas encore livré tous ses secrets. Ce lieu dégage une atmosphère étrange, accentuée par un banian géant, au pied duquel un groupe de danseurs, vêtus de pagnes végétaux, interprète le fameux haka, ponctué de cris rauques.

  • Nuku Hiva - Danseurs de haka © Mireille Gignoux

 

Jour 8 : Ua Huka, la plus désertique

Au petit matin, sur le pont, chacun retient son souffle lorsque l’Aranui se positionne à l’entrée d’une étroite échancrure, nommée Invisible Bay. Avant d’être amarré aux parois rocheuses par des aussières, le navire doit faire, dans un mouchoir de poche, un demi-tour sur lui-même pour être en position de départ en fin de journée, lorsque la houle sera plus forte. Une impressionnante manoeuvre qui confirme la dextérité des marins. À quai ou au mouillage selon les escales, leur savoir-faire révèle leur connaissance ancestrale des caprices de l’océan.

Depuis le village de Vaipaee, des 4x4 conduisent les passagers à l’arboretum. Contrastant avec l’aridité de l’île, ce sanctuaire d’agrumes et de plantes tropicales permet de partager quelques fruits cueillis au cours de la visite.

Le déjeuner : au village de Hane chez Céline Fournier. Elle sert un délicieux poisson cru au lait de coco.

 

Jour 9 : Ua Pou, l’île aux cailloux fleuris

Le village d’Hakahau, dominé par douze pics effilés que Stevenson comparait à des clochers d’église, est très engagé dans la défense de la culture marquisienne. Véritable pépinière de talents (peintres, sculpteurs, musiciens, danseurs), il accueillera du 16 au 19 décembre prochain le Festival des Arts des Marquises.

En option : L'excursion vers Hohoi connu pour ses pierres fleuries. Ces phonolitiques à grenats, qui ressemblent à des pétales de fleurs, dateraient de près de trois millions d’années.

Le déjeuner : Chez Tata Rosalie. Excellent poisson cru et curry de chèvre.

  • Ua Pou (Îles Marquises) © Mireille Gignoux
  • Ua Pou (Îles Marquises) © Mireille Gignoux

 

Le lagon de Bora-Bora scintille du turquoise clair à l’intense indigo, tel un gigantesque aquarium invitant au snorkeling.

Deux lagons sur le chemin du retour

 

Jour 11 : Rangiroa, eaux cristallines et perle

Après trente heures de navigation, le jour 10 se passe entièrement en mer, retour aux Tuamotu, dans le lagon de Rangiroa. Au programme, snorkeling ou farniente sur l’immense plage de sable rosi par les résidus coralliens puis visite de la ferme perlière Gauguin’s Pearl. Tout le processus de production des perles de Tahiti est expliqué, suivi d’une démonstration de greffes d’huîtres et de récolte des précieuses petites sphères.

En option : l'observation de la faune marine depuis un bateau à fond de verre (dauphins à l’entrée de la passe) et baignade près d’un motu (coup de cœur).

  • Rangiroa (Îles Tuamotu) © Mireille Gignoux

 

Jour 12 : débarquement à Tahiti

Après une dernière nuit de navigation, débarquement à Papeete, la tête remplie d’images de ces terres secrètes, sauvages et authentiques, approchées comme un privilégié.

Les infos pratiques

Comment aller en Polynésie ?

La compagnie polynésienne Air Tahiti Nui relie Paris-CDG à Papeete en 20h de vol via Los Angeles ou Seattle. Les Tahitian Dreamliners, des Boeing 787-9 sont configurés en trois classes couleurs du lagon : la Moana Economy AR à partir de 955 € HT + 418.86 € taxes, la Moana Premium AR à partir de 2 326 € HT + 418.86 € taxes (plus d’espace pour les jambes et une meilleure inclinaison du siège), la Poerava Business AR à partir de 4 791 € HT + 576,50 € taxes (sièges transformables en lit plat de 198cm de long avec sur-matelas et duvet). www.airtahitinui.com

Formalités. L’entrée sur le territoire américain est soumise à l’obtention d’un ESTA, autorisation de voyage dont le formulaire est à remplir en ligne. => esta.fr
 

Embarquer sur l’Aranui 5 ?

Le cargo mixte effectue une vingtaine de rotations annuelles de 12 jours/11 nuits au départ de Papeete. Le sens des escales peut varier selon les impératifs du fret. Tarifs par personne en pension complète avec vin, y compris les déjeuners dans les restaurants locaux lors des excursions : à partir de 4 748 € en cabine et 3 146 € en dortoir pour 4.

Bon à savoir ?

  • Prévoir un médicament contre les nausées si vous êtes sensible au mal de mer ; le bateau roule un peu.
  • Wi-Fi à bord en sus (5,000 XPF/45€). Mais le système ne permet pas de recevoir les mails sur des appareils Apple. Des connexions gratuites sont possibles sur certaines îles.

Plus d'informations sur le site Web officiel d'Aranui.

En savoir plus

Préparer son voyage ?

En savoir plus sur sur la Polynésie française, ses 5 archipels et ses 118 îles, dont les Marquises bien entendu, sur le site Web de Tahiti Tourisme.

Quand partir ?

La saison sèche de mai à octobre est la plus agréable : précipitations plus rares et thermomètre autour de 26-28°C.