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Pierre Gunther, Le mercredi 11 juin 2025
Restaurants

On a testé Shabour, cuisine chamarée et étoilée dans le Sentier

À mi-chemin entre bistrot levantin et théâtre culinaire, Shabour secoue les codes de la gastronomie étoilée avec ses assiettes envoyées en direct par les chefs au comptoir. Une table cosmopolite qui met le cap sur l'Est de la Méditerranée.
  • Notre avis sur le restaurant Shabour dans le Sentier à Paris
    Notre avis sur le restaurant Shabour dans le Sentier à Paris

Shabour, c’est d’abord un nom. Hébreu, percutant, qui veut dire "brisé", "fracassé", comme les murs de cet ancien jazz club du Sentier qui ont révélé leur jolie pierre blonde du XVIIe sous les coups de marteau. Une promesse de rupture. Celle d’un dîner qui s’affranchit des formats attendus de la haute gastronomie pour convoquer l’intuition et le geste. Imaginé par le serial chef Assaf Granit, à qui l’on doit la ribambelle de restaurants à Paris rue Saint-Sauveur (Tekés, Shana, et Kapara un peu plus loin) et de multiples adresses à Jérusalem et Londres, ce théâtre culinaire se joue en bande. Le chef Dan Yosha est ici au quotidien, Uri Navon et Tomer Lanzman dans l’ombre de cette aventure aussi sonore que savoureuse. 

Shabour

 

Lorsque l’on pénètre dans l’antre de pierres brutes, l’effet est saisissant : l’imposant comptoir de marbre, autour duquel prennent place une vingtaine de convives, enveloppe une cuisine centrale éclairée à la bougie, où officient à vue le chef Yosha et son équipe. Une atmosphère électrique, une bande-son éclectique aux sonorités classico-yiddish, et des assiettes servies directement par ceux qui les confectionnent.

  • Shabour
  • Shabour © Joann Pai

 

Une cuisine sans frontières façon scène ouverte

La carte propose un séduisant pont entre Jérusalem et Paris, une épopée qui suit les traces des communautés juives ashkénazes et séfarades du Maghreb à l’Europe de l’Est en passant par le Proche-Orient et les îles de la Méditerranée. Dans son sillage, une cuisine toujours généreuse, colorée, métissée à l’image de la diaspora, comme cette étonnante feuille de vigne farcie de tourteau breton, graines de fenouil sauvage, pignon et cerfeuil, hommage au dolma du Caucase et des Balkans ; ou la langoustine panée aux pignons de pin, yaourt, huile de nigelle, wakame et fenouil, qui réinvente ici le plat national jordanien. Côté boissons, une carte des vins très internationale, avec des vins — majoritairement naturels — glanés aux quatre coins du Nouveau Monde, même si nous sommes restés en France ce soir-là, et même en Alsace. Histoire de se raccrocher à quelque chose de connu...

  • Langoustine panée aux pignons de pin © Pierre Gunther
    Langoustine panée aux pignons de pin © Pierre Gunther

 

À tout théâtre sa mise en scène, le show fait partie de l’expérience et on prête même aux convives un porte-téléphone en bois pour garder son appareil photo sous le coude. La foule est connectée, internationale, parle anglais, hébreu, italien tout comme la brigade qui casse les codes du restaurant étoilé Michelin. Devant nous, on dépose un Opinel, un œuf de Fabergé et une petite cuillère en nacre, prélude à l’œuf mollet à l’écume de tahini, œufs de truite servis dans un coquetier-écrin doré, saupoudré d’une pluie de mouloukhieh séchée et de poutargue. L’œuf est incisé au couteau, le jaune se mêle au sésame, la cuillère en nacre dépose les grains de truites et l’on mange avec les doigts en sauçant au pain hallah. Pas étonnant que ce plat gourmandissime reste à la carte depuis l’ouverture.

  • L’œuf mollet au tahini © PG
    L’œuf mollet au tahini © PG

 

Pour terminer ces agapes, un vrai collage qui joue avec tout mais pas n’importe quoi et vise dans le mille sans que l’on s’y attende : une barbue au beurre blanc et raifort, crêpe Suzette (!), orange, pamplemousse et livèche, suivie d’un pigeon un peu plus convenu à la carotte, hollandaise zaaatar et hawaj (mélange d’épice yéménite).

La générosité est de mise au dessert avec deux propositions, dont la déjà culte mousse au chocolat, huile d’olive et sel, dont on repartira avec un petit doggy bag car il en restait trop après le service.

  • Pigeon © PG
  • Barbue au beurre - crêpe Suzette © PG

 

Ce qu’il faut retenir ?

Shabour est une table singulière, festive et maîtrisée, où l’on vient autant pour ce qu’il y a dans l’assiette que pour ce qui se passe autour. Dans cette cuisine ouverte et sans frontières, on vient pour parler à l’équipe, aux voisins et profiter d’une table étoilée Michelin pas affectée pour un sou. 

Shabour
Déjeuner : du vendredi au samedi de 12h à 13h 
Dîner : du lundi au samedi de 19h à 22h30 ​ 
19, rue Saint-Sauveur 75002 Paris

Menu unique à 152 € le soir, 81 € au déjeuner

restaurantshabour.com

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