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Emmanuel Laveran, Le mercredi 07 mai 2025
Chefs

La cueillette de plantes sauvages : nouvelle tendance food à déguster au printemps des Alpes à Paris

Ramasser des herbes c’est bien, espérer s’en nourrir, c’est louable… sauf que plus de 300 espèces sont toxiques. Alors mieux vaut bien s’informer et se former. Tour d’horizon et carnet d’adresses d’une tendance food en plein essor.
  • Le Chemin de la Nature © Emmanuel Laveran
    Le Chemin de la Nature © Emmanuel Laveran
  • Les fleurs des plateaux d’Aubrac, dans les cuisines de Cyril Attrazic © Emmanuel Laveran
    Les fleurs des plateaux d’Aubrac, dans les cuisines de Cyril Attrazic © Emmanuel Laveran
  • Tartare de chevreuil au cresson et caviar au Loire Valley Lodges © Emmanuel Laveran
    Tartare de chevreuil au cresson et caviar au Loire Valley Lodges © Emmanuel Laveran

La cueillette des plantes sauvages se développe de plus en plus, non seulement dans les restaurants étoilés mais aussi grâce à des organismes proposant d’initier groupes ou particuliers jusque dans les parcs et les forêts d’Ile-de-France ou d’ailleurs. Découverte.
 

Les convaincus de la première heure
 

1. L’homme au chapeau noir

Au commencement, il y eut Marc Veyrat. C’est l’homme au chapeau noir qui, pour ma génération des années 70, démocratisa et médiatisa la berce, le tagète ou encore la reine-des-prés. Dans son restaurant de Megève, il fut certainement le premier à mettre sur le devant de la scène la cueillette des plantes sauvages, à ériger le végétal en star d’assiettes 3 étoiles au Michelin entre 2001 et 2019. Aujourd’hui un peu moins médiatisé, le chef continue néanmoins de magnifier produits de Haute-Savoie et herbes des montagnes dans son nouvel antre mégevan. Fort d’un positionnement en forme de triptyque « profitez de la nature et ses trésors, nourrissez-vous mieux, c’est bon pour la santé », il continue de développer sa cuisine sur la base d’un ancrage local assumé depuis toujours. On doit avouer que nombre de ses créations sont toujours bluffantes de justesse et de gourmandise, même si un repas chez Marc Veyrat se mérite et nécessite d’avoir au préalable bien rempli sa tirelire.

Restaurant Marc Veyrat
539 Chem. des Ânes, 74120 Megève, France
marcveyrat.fr


2. Une famille de cuisiniers exemplaires

Régis et Jacques Marcon, vénérés des amateurs de champignons en toute saison, 3 étoiles Michelin depuis 2005, coincés sur leurs hauts plateaux entre Auvergne et Ardèche, herborisent également joyeusement en famille. Au point que Madame Marcon emmène l’ensemble des équipes de cuisine, de salle et même du spa des Cîmes, faire la cueillette de printemps chaque année ! L’occasion de passer un moment convivial, de former et faire comprendre la philosophie de la maison teintée de simplicité, d’exigence, mais surtout d’un grand humanisme. A quelques minutes de voiture de Saint-Bonnet-le-Froid, tout proche des sources de la Loire, les prairies n’ont jamais vu la couleur d’un pesticide ou d’un engrais : le végétal s’épanouit et règne en maître.

  • La cueillette des plantes sauvages, tradition annuelle chez les Marcon © Emmanuel Laveran
    La cueillette des plantes sauvages, tradition annuelle chez les Marcon © Emmanuel Laveran

 

Du pissenlit au cerfeuil des bois, de la berce à l’armoise des frères Verlot, du lamier blanc à l’ail des ours, on trouve un nombre important de variétés de plantes sauvages comestibles dans le Massif Central. Les Marcon en régalent leurs clients et une expérience gastronomique au Clos des Cimes laisse toujours une trace indélébile.

Le Clos des Cîmes
Le Fanget, 43290 Saint-Bonnet-le-Froid, France
lesmaisonsmarcon.fr

  • Les prairies autour de Saint Bonnet le Froid © Emmanuel Laveran
    Les prairies autour de Saint Bonnet le Froid © Emmanuel Laveran

3. Le végétal dans le sang

Au Luxembourg, entre cousins teutons, frangins belges et peuple chti, l’immense chef René Mathieu mérite aussi à lui seul un voyage. Une étoile Michelin (pourquoi seulement une ?), 18/20 au Gault et Millau et un art éprouvé couplé à un savoir immense, au point d’avoir nommé son nouveau restaurant gastronomique 100% végétal « Fields ». L’homme vient de déménager mais opère depuis… 1986, après avoir été - s’il vous plaît - cuisinier personnel de Son Altesse Royale le Grand-Duc du Luxembourg. Sacré pedigree pour ce petit-fils de garde-chasse qui s’en va cueillir chaque matin les merveilles offertes par la nature

  • La cuisine végétale de Rene Mathieu © Emmanuel Laveran
    La cuisine végétale de Rene Mathieu © Emmanuel Laveran

Le chef montre l’exemple d’une cuisine strictement locale et de saison, dans laquelle les herbes tiennent la corde, tout en valorisant aussi les légumes. « Les plantes sont un vrai délice », avoue-t-il, « une carotte enveloppée dans une feuille de tilleul… une feuille de mauve frite façon tempura, dont la fleur est ensuite fourrée d’une crème aux noix fermentées… », voilà quelques-unes des inspirations du chef chez qui l’on a dégusté un sublime crémeux de plantes sauvages agrémenté des premières morilles de 2025 lors d’un repas entièrement végétal à la fois génial, original et nourrissant. Lauréat du titre de « Cuisinier de l'année » au Luxembourg en 2010 et 2021 (Gault&Millau), « Meilleur chef cuisinier de légumes au monde » en 2021 et 2022 (décerné par le guide « We're Smart Green »), René Mathieu propose une expérience totalement aboutie, gourmande et aussi surprenante que généreuse. Une sacrée table et une très belle surprise, située seulement à 2h30 de train de Paris.

Airfield Restaurant & Living
6 Rue de Trèves, L-2632 Findel, Luxembourg
airfield.lu/fr/fields-restaurant

  • René Mathieu en pleine cueillette © Emmanuel Laveran
    René Mathieu en pleine cueillette © Emmanuel Laveran

Les émules

 

4. Le nouveau Maître de l’Aubrac

Citons encore Cyril Attrazic, roi de l’Aubrac depuis que le Michelin lui a décerné 2 étoiles en 2023. Ancré dans son terroir, le Lozérien propose une lecture et une expression jouissives du territoire aride des hauts plateaux rocailleux calés entre Méditerranée et moyennes montagnes. Si l’élevage local se voit ici magnifié et valorisé à sa juste mesure (vous dégusterez « Chez Camillou » l’une des meilleures viandes de bœuf de toute votre vie, génialement servie « dans son écosystème » et donc accompagnée de quelques herbes sauvages), on gardera éternellement en mémoire cette bouchée de fleurs des plateaux d’Aubrac, disponible à partir du printemps, au milieu d’un menu dégustation d’anthologie. 

  • Création végétale chez Cyril Attrazic au cœur de l’Aubrac © Emmanuel Laveran
    Création végétale chez Cyril Attrazic au cœur de l’Aubrac © Emmanuel Laveran

 

Une assiette qui vaut à elle seule le voyage ! Si vous empruntez un jour l’A75 direction Montpellier, faîtes ce détour d’1km seulement. Une soirée ou un déjeuner étape d’exception vous attend à Aumont-Aubrac. Un petit hôtel et un grand appartement constituent pour l’instant l’offre hôtelière d’une destination à inscrire d’urgence dans sa bucket list.

Restaurant Cyril Attrazic
10B Rte du Languedoc, 48130 Peyre en Aubrac, France
cyrilattrazic.fr

  • Cyril Attrazic en action dans sa cuisine © Emmanuel Laveran
  • La cuisine de printemps de Cyril Attrazic © Emmanuel Laveran

 

5. Plongée dans l’univers culinaire d’une forêt

Plus proche de la capitale et plus accessible, à seulement 10 km de Tours, Thomas Besnault s’est quant à lui spécialisé dans les végétaux issus de la forêt dans son restaurant gastronomique Ardent sis au sein de l’hôtel/cabanes dans les arbres « Loire Valley Lodges ». Le repas qu’il nous a servi ce printemps fut l’une des claques les plus magistrales de l’année, avec l’ambition affichée de « déguster la forêt ». 

  • Les tagliatelles de céleri aux saveurs de la forêt, assiette d’exception © Emmanuel Laveran
    Les tagliatelles de céleri aux saveurs de la forêt, assiette d’exception © Emmanuel Laveran

 

Au programme d’un menu en 8 services de très haute tenue, un savoureux bouillon de lichens et champignons des bois, un stratosphérique carpaccio de coquilles Saint-Jacques condimenté de gel de rose et huile de ronces maison, un sublime tartare de chevreuil au cresson… et le végétal qui s’immisce et joue un rôle majeur dans chaque assiette. La nature en fil conducteur, la forêt en aboutissement d’une cuisine sauvage mais subtile, d’assiettes racées mais accessibles, inspirées par le souffle du vent dans les pins, les douglas et autres épicéas. Le chef réalise par exemple lui-même 5 huiles de conifères différentes, chacune avec ses propres caractéristiques. Une table à découvrir de toute urgence car pas encore étoilée… donc tarifs sages ! D’autant que l’hôtel Loire Valley Lodges s’avère follement enthousiasmant pour un weekend romantique ou un séjour digital detox et déconnexion.

Loire Valley Lodges
1 All. de la Duporterie, 37320 Esvres, France
loirevalleylodges.com

  • Bouillon le lichens à Ardent, le restaurant gastronomique de Loire Valley Lodges © Emmanuel Laveran
    Bouillon le lichens à Ardent, le restaurant gastronomique de Loire Valley Lodges © Emmanuel Laveran

 

6. Les clés afin de s’initier soi-même à la cueillette…

Citons enfin la société lechemindelanature.com afin de s’initier soi-même à la cueillette tout en étant encadré par des professionnels passionnés et désireux de partager leur savoir ancestral. Être sûr à 200 % d’identifier une herbe sauvage, cueillir correctement afin de laisser une chance à chaque plante de repousser, connaître les vertus thérapeutiques des différentes espèces, évaluer l’environnement Vs les risques de pollution… sont quelques-unes des notions détaillées pendant les sorties hebdomadaires et stages organisés par la société. La bonne nouvelle, c’est qu’elle opère déjà dans plusieurs régions de France, de Paris, en Ile-de-France, jusqu’à Marseille ou dans les Alpes. Le programme complet des stages à venir ici : lechemindelanature.com/balades-et-ateliers

  • © Emmanuel Laveran
  • © Emmanuel Laveran

 

On a testé récemment une balade d’une heure trente sur l’Ile Saint Germain à Issy-les-Moulineaux et on peut attester que l’activité s’avère géniale ! À recommander aussi bien dans le cadre d’un séminaire d’entreprise/incentive que pour occuper ses week-ends, nous avons notamment appris que les fleurs de magnolia ou de forsythia étaient comestibles, avons été initiés à la reconnaissance du lierre terrestre, de la bardane, de la mélisse, du lamier blanc et de nombreuses autres espèces. Nous avons même dégusté berce ou cerfeuil des bois poussés en Ile-de-France. Une grande première, passionnante à vivre !

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