
Irwin, tout simplement
Envol réussi
Savoir quand on doit quitter le nid et voler de ses propres ailes n'est pas chose aisée. Surtout quand le dit nid est douillet et que l'on y a pris ses aises... Chez les oiseaux, pas de sentiment, chez les humains, c'est un tout autre tourment. Irwin Durand, chef surdoué pour les autres - d'abord chez Alan Geaam (où il obtient une première étoile en six mois), puis chez Guy Savoy (où il la maintient bien haut au Chiberta) a dû se poser bien des questions avant de se lancer en solo avec son propre resto à Paris.
À première vue, il a vraiment bien fait de prendre le risque, tant il semble déjà à l'aise chez lui, dans un écrin zen à son image, entouré d'une équipe soudée et enthousiaste, qu'il a construite au fur et à mesure et qui l'a suivi dans l'aventure sans sourciller. À ses côtés donc, Camille Larquemin, cheffe exécutive, Tessa Ponzo, cheffe pâtissière et Mickaël Larrive, directeur de salle et chef sommelier.
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Toute l’équipe d’Irwin © Pausecom
La première impression est celle d'une grande sérénité, qui saisit dès qu'on pousse la porte tant elle contraste avec l'effervescence de ce quartier d'affaires. L’architecture du lieu, signée JOD architecture (Jérome-Olivier Delb), joue avec les jeux d'ombres et de lumières pour créer une sorte de clair-obscur, propice au calme et aux confidences feutrées. Les matériaux ont été minutieusement choisis – à l'instar de ce bois brûlé qui avait séduit le chef lors d'un séjour à Copenhague – ou de la marbrerie d’art de Wilfried Rouissi qui apporte beaucoup de contemporanéité à l'ensemble. « Deux salles, deux ambiances » : la première, épurée, accueille vingt-deux convives dans un cadre sobre et raffiné, où l’accent est mis sur l’expérience gustative. La seconde plus exclusive, est une table unique pour huit à dix convives, qui fait face à la cuisine ouverte du chef et qu'il considère « comme une table de jeu pour moi et une table de plaisir pour les convives ». Autrement dit, qu'ils veuillent un cromesquis ou une bonne blanquette, tout est possible ! Passons à table, donc.
De jolis chemins
Au déjeuner ce jour-là, c'est la « Rue du Bac » que nous avons choisi d'emprunter, en souvenir des années que le chef a passées à l'Atelier Joël Robuchon. Amuse-bouche corse pour commencer, avec un migliacciu (à la semoule et au bruccio, nappé d’huile d’olive et parsemé de romarin) très réussi, comme un shoot de fraîcheur herbacé. Accompagné d'un petit bouillon de légumes et marjolaine froid, il s'avère être une parfaite mise en jambes pour la suite. Celle-ci, « Langoustine à la flamme, haricots verts, caviar » reste dans la fraîcheur de l'instant, mais avec une jolie complexité ajoutée. Quant au « Maigre de ligne de Royan I Grenobloise I Poireau Braisé », il séduit l'air de ne pas y toucher, avec une sauce grenobloise parfaitement exécutée. Derrière une apparente simplicité, on sent toute la rigueur du chef, un véritable art saucier et pas mal de modernité.
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Langoustine © PG
Les ris de veau en deux cuissons, « au lait pour détendre, au beurre pour l'amour » comme le dit si joliment Irwin Durand, sont malheureusement un peu en sous-cuisson cette fois-ci, mais bien accompagnés par des févettes, petits pois, oignons caramélisés et jus de veau réduit, que le Chiroubles choisi par le sommelier met parfaitement en valeur. Un très joli plat.
La partie sucrée achève ce menu dégustation en beauté. Retenez bien le nom de la jeune cheffe pâtissière Tessa Ponzo, elle ira loin. Son pré-dessert, un monochrome de blanc des plus bluffants, joue avec les acides lactiques : chantilly au lait fermenté, crème crue infusée à la sauge, glace yaourt, voile de lait d’amande grillée et cette délicate peau de lait croustillante qui emporte l'adhésion. Pour le dessert à proprement parler, c'est une véritable ode aux vanilles que Tessa nous propose, avec une création tout en rondeur et gourmandise. Gavotte, crémeux au miso, glace à la vanille Pompona, praliné noisette à la vanille fumée de Tanzanie, confiture de lait. Un vrai coup de cœur ! Question « mignardises » pour accompagner le café, Tessa Ponzo s'y connaît. On n'a plus faim, mais impossible de ne pas se laisser tenter par sa tartelette aux fraises et olives de Nyons, chantilly infusée au romarin.
Le service est absolument charmant. Chaque membre de la brigade vient présenter ses créations en salle, avec beaucoup de douceur, de précision et de fierté. On sort de cette table totalement rasséréné. C'est rare.
Prix : Menus en 3, 5 et 7 « chemins », dont les noms sont ceux des rues empruntées par le chef le long de son parcours professionnel : Mesnil : 68 €, uniquement au déjeuner ; Rue du Bac : 120 € ; Quai de Conti :
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Monochrome de blanc © PG
Ce qu'il faut retenir
À 35 ans, le chef Irwin Durand se lance dans le grand bain en ouvrant son premier restaurant. Une jolie table d'auteur, discrète mais déjà repérée par les (nombreux) gourmets du quartier. Et qui, on en est sûrs, ne devrait pas échapper à la sagacité du Guide Rouge.
Irwin
22, rue Cambacérès 75008 Paris
Site Web irwin.paris
Ouvert du lundi au vendredi, au déjeuner et au dîner