
Sous les pins et face à la mer : l’éternel chic des cabanes de l’Hôtel du Cap-Eden-Roc
Le pitch | Hôtel du Cap-Eden-Roc, aux origines d’un mythe
Au tournant du XXe siècle, la Côte d’Azur n’est encore qu’une élégante retraite hivernale pour aristocrates anglais et grandes fortunes d’Europe du Nord. Antoine Sella, visionnaire piémontais, inaugure alors en 1870 — trente ans avant le Ritz, palace à Paris — le Grand Hôtel du Cap, majestueusement dressé au bout d’un chemin escarpé du Cap d’Antibes. Le lieu est accessible par une calèche tirée par des ânes... Duchesses irlandaises, banquiers suisses, princes russes, Sarah Bernhardt aussi, y séjournent en hiver en quête de calme et d’air marin.
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© Circé Lefebvre
C’est en 1914 que la piscine d’eau de mer est creusée — les infirmières américaines de la Grande Guerre sont les premières à s’y baigner — et un salon de thé construit sur les rochers. Il faudra attendre les années 1920-30, et l’arrivée d’une nouvelle génération d’hôtes américains, pour que la Méditerranée s’impose enfin comme terrain de jeu estival. Le Grand Hôtel du Cap, rebaptisé plus tard Hôtel du Cap-Eden-Roc, suit ce glissement des saisons et se réinvente en adresse d’été. Les artistes et intellectuels accourent : Cole Porter, Ernest Hemingway et F. Scott Fitzgerald, qui y situe l’intrigue de Tendre est la nuit en 1934. Dans les années 1930, Antoine Sella, le propriétaire, allait encore chercher le prince de Galles, futur Édouard VIII, et Wallis Simpson, avant l'abdication, à la gare d'Antibes.
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Le pavillon de l’hôtel abrite ses restaurants © Circé Lefebvre
En 1931, André Sella, fils du fondateur, imagine pour lui-même une cabane en bois, simple abri pour s’échapper du monde, dans un coin tranquille entre les pins, à l’écart de la piscine et des agitations mondaines. Très vite, les clients réclament les leurs. Sella en fait construire plusieurs, sur le flanc ouest du domaine, face à l’infini. De simples cabanons aux volets verts, avec deux transats, terrasse privée et le clapotis des vagues comme seul fond sonore. Le concept des cabanes est né, presque par hasard. Mais il ne tardera pas à devenir, pour les initiés, le vrai luxe de l’Eden-Roc : un coin d’ombre en bord de mer, à l’abri des regards, là où les plus grandes stars du siècle viendront se cacher et chercher intimité et quiétude.
Vue d'ensemble ? | Des stars en toute discrétion
Après un virage sur l’allée bordée de pins, le bâtiment du Grand Hôtel se dévoile. On y sent l’empreinte du XIXe siècle, sa porte à tambour, ses salons calmes, l’idée d’un certain art de vivre suspendu. C’est ici que loge la clientèle la plus discrète, celle qui fuit les regards. Plus bas, au bout de l’allée bordée de lauriers-roses, le pavillon Eden-Roc, ses terrasses, sa piscine creusée à même la roche. Quelques terrains de tennis, un spa Dior caché dans la verdure, une roseraie de plus d’un siècle et sur le côté, presque dissimulées entre les branches, gardées par une petite barrière en bois, les fameuses cabanes.
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L’Hôtel du Cap-Eden-Roc et ses cabanes © Circé Lefebvre
Elles sont 33. Toutes identiques, ou presque. Petites constructions de bois clair, toit plat, volets vert bouteille. Devant, une table nappée, quelques transats, un parasol. À l’intérieur, rien ou presque : une banquette, un miroir, un porte-serviette. Et surtout la mer, à quelques mètres. On s’y installe dès le matin pour n’en repartir qu’au crépuscule, à l’ombre des pins et au rythme des yachts qui croisent au large.
Ces cabanes, en apparence sommaires, sont devenues le théâtre des histoires les plus célèbres de la Riviera. En 1938, la famille Kennedy au grand complet — Joseph Kennedy, alors ambassadeur à Londres, sa femme et leurs neuf enfants — loue une villa à proximité de l’hôtel mais passe ses journées dans les cabanes. Joe Jr, Jack et Bobby plongent depuis les rochers avec une arbalète offerte par Roosevelt, partent chasser le poulpe et reviennent brandir leurs prises comme des trophées. Leur père adoptera la cabane 523, à côté de Marlène Dietrich, avant de demander la plus isolée et discrète, la numéro 513. Chaque matin, il descendait l’échelle pour nager une heure en mer après son golf à Biot.
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© Circé Lefebvre
Quelques années plus tard, c’est la cabane 509 qui devient le repaire d’Ali Khan, joueur invétéré qui y retrouvait les producteurs Jack Warner et Darryl Zanuck pour de longues parties de cartes, pendant que Rita Hayworth sablait le champagne avec Tyrone Power et Douglas Fairbanks Jr. Dans les années 1980, Clint Eastwood déjeune dans une cabane avec un journaliste, choisissant ce décor pour déclarer qu’il ne se présentera pas à l’élection présidentielle – inaugurant une tradition d’interviews exclusives données à l’ombre des parasols des cabanes de l’Eden-Roc lors des Festivals de Cannes. Meryl Streep, elle, préférait les matinées paisibles de la 514, où Giovanni Rizzi lui apportait son petit-déjeuner. Maître d’hôtel aux cabanes depuis 1978, ce dernier connaît chaque numéro, chaque habitude et chaque caprice, des demandes de Sofia Loren aux repas improvisés pour Tom Cruise. Sans jamais rien livrer de ses presque 50 années de service… sans doute le secret de sa longévité.
Comment sont les cabanes ? Un nouveau chapitre
Aujourd’hui, l'hôtel 5 étoiles de la Côte d'Azur est propriété de la Oetker Collection, et les cabanes viennent de connaître une nouvelle métamorphose sous la houlette du designer Francis Sultana. Leur atmosphère hommage aux sixties se teinte désormais de travertin aux reflets sable, de meubles aux finitions bambou, de rideaux vaporeux dans des tons sauge et crème qui ondulent à la brise marine. Sur les murs, les assiettes en céramique de Gérard Crociani, artiste de Vallauris, reflètent les verts et bleus de la Méditerranée comme autant de fragments de lumière. On y déjeune sans se lever, un verre de rosé à la main, dans un silence orchestré avec précision. Un univers de bonnes manières, sorte de repaire à l'abri du monde où l'excellence est érigée en naturel.
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© Circé Lefebvre
Un spa en bord de mer
Camouflé dans les jardins, on atteint le spa Dior en traversant une roseraie centenaire. Au-delà des soins et massages, il offre notamment 4 programmes bien-être et retraites de 3 à 14 jours personnalisés pour chaque hôte : Dior Thérapie Relaxation, Détox et Minceur, Reverse Aging et Homme. Pour un moment exceptionnel en solo ou en duo, on préférera réserver son soin dans la cabane spa Dior, reconvertie en salle de soins en pleine nature, où tester, par exemple, le soin visage et corps Escale à Eden-Roc baigné des stridulations des cigales. Une seconde cabane voisine est estampillée Bamford et propose les rituels de la marque botanique et bio aux produits enrichis en huiles essentielles.
Ce que l'on a aimé à l'Hôtel du Cap-Eden-Roc ?
- Regarder les yachts amarrés face au restaurant Eden-Roc,
- Descendre dans l'écume grâce à l'échelle à même la roche et nager jusqu'à une plateforme flottante,
- Le service palace aux cabanes ultra-efficace, et tout le personnel qui fait l'âme de l'hôtel.
Ce qu’il faut retenir ?
Laissons le mot de la fin à Stefan Zweig, l’un des auteurs les plus populaires en Europe dans les années 1920, qui inscrit en 1931 dans le livre d’or de l’Eden-Roc : « Reconnaissant pour le ciel, le paysage et le calme autour de cette bienheureuse maison ».
En 1955, Picasso prêta son trait au menu du restaurant de l’hôtel, esquissant avec humour une série de dessins devenus célèbres. Marc Chagall, que le personnel appelait « Maître » fit de la cabane 522 son rendez-vous d’août pendant quinze ans. Il peignait face à la mer, un verre de jus de fraise glacé à portée de main, tandis que son épouse organisait son travail en fin de journée pour que rien ne s’égare. La signature du peintre était tellement précieuse que seule elle signait les notes.
Hôtel du Cap-Eden-Roc
167-165 Bd J. F. Kennedy, 06160 Antibes, France
115 clés et 3 villas
Cabanes réservées aux hôtes, prix sur demande