Florence Valencourt, Le jeudi 04 décembre 2025Cypsèle, la nouvelle sensation foodie de l'île Saint Louis
Duo de globe-trotteurs très en vue
Si la presse étrangère (New York Times et Wall Street Journal pour ne citer qu'eux) s'est empressée d'annoncer l'ouverture de Cypsèle des mois à l'avance, c'est que les deux hommes à la tête du projet n'en sont pas à leur coup d'essai. Et, surtout, que leurs parcours respectifs sont très internationaux et « high profile », comme on dit chez les chasseurs de tête. En effet, le chef Marcin Król, une fois quittée sa Pologne natale, s'est formé dans les restaurants les plus courus des gourmets du monde entier. Jugez plutôt. À 18 ans, il commence par le cultissime Noma, à Copenhague, puis s'envole pour le Boragó au Chili, où il devient sous-chef. Retour en Europe, à Stockholm, au Oaxen Krog, passage remarqué au Chateaubriand à Paris, ouverture du projet du Noma à Tokyo (Inua) ; et retour à Paris pour devenir chef exécutif de Maison, du chef Sota Atsumi. Une véritable tornade ! Quant à Quentin Loisel, son sommelier et associé, c'est au Chili qu'ils se rencontrent, avant que ce dernier ne parte pour Sat Bains en Angleterre, puis ne se pose un peu plus longtemps à Paris pour gravir les échelons au Jules Verne, dont il deviendra chef sommelier pendant trois ans.
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Marcin Król et Quentin Loisel
Chemin faisant, les deux hommes ne se perdent pas de vue et l'idée d'ouvrir leur propre restaurant commence à germer. C'est la fameuse « graine semée au hasard » qui donne le nom de leur lieu, et qui éclot ces jours-ci : Cypsèle. On ne saurait trop remercier les compères de ne pas s'être installés dans le 11e arrondissement et d'avoir choisi au contraire un coin presque complètement déserté par les foodies, l'île Saint-Louis. Un choix qui ne s'est pas avéré facile lors des travaux, vieux immeubles biscornus de cet îlot qui prend l'eau, mais le résultat est des plus convaincants. On ne reconnaît plus du tout feu « Nos Ancêtres les Gaulois » (!), on pénètre à présent dans l'antre brutaliste-chic d'une tribu branchée, polyglotte et bien entourée, signée du cabinet londonien en vogue, Nice Projects.
Wabi Sabi
Marcin et Quentin se réclament de cette « perfection imparfaite » chère au Taoïsme en son temps, qui connaît depuis quelques années un nouveau souffle en Occident, de manière beaucoup plus large et décomplexée. De fait, le lieu comme le menu proposé sont bien dans cette mouvance esthétique. Céramiques de Nobuhiko Tanaka et The Bird Tsang, couverts en argent chinés... Et surtout, des couteaux taillés par Ballerait dans le bois des colonnes centenaires qui étaient sur les lieux, que les associés ont dû enlever pendant les travaux, mais qu'ils font ainsi « revivre » de la plus belle des manières. Totalement dans l'esprit.
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Le restaurant Cypsèle à Paris
Le menu dégustation du restaurant à Paris, composé au « gré du vent » par Marcin et sa brigade internationale, est dans la continuité de cette philosophie. S'il y a encore quelques ajustements à opérer notamment sur le rythme et quelques températures de service, ce qui est bien naturel quand on essuie les planches d'un premier dîner, le voyage est des plus engageants. On sent que le chef a voyagé, s'est imprégné de beaucoup de techniques et d'ingrédients d'ailleurs, pour en faire une synthèse toute personnelle. Parmi nos plats préférés ce soir-là : le beignet avec encornet dès la mise en bouche, qui fait penser à un Barbajuan retravaillé mais complètement twisté par un citrus Chicuasa portugais que le chef se fait livrer de là-bas chaque semaine.
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Un repas au Cypsèle à Paris
Le « Bar de ligne infusé à la camomille, chou rave » est quant à lui aussi délicat que son dressage est poétique. Pour suivre, deux plats veggie autour du chou fleur et des légumes racines qui permettent de faire une pause dans l'explosion des saveurs. Puis, un plat qui nous a conquis par sa réinterprétation inspirée : la « Sole farcie, parfum de rose, artichauts et sauce Dugléré ». Idem pour le Paris-Brest, un peu copieux mais très intéressant dans cette version hiver à la châtaigne et au coing.
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La version d’hiver à la châtaigne et au coing du Paris-Brest
N'oublions surtout pas le magnifique travail de Quentin Loisel en sommellerie, dans le restaurant du 4e arrondissement. Il nous a fait découvrir ce soir-là, à notre demande, un champagne magnifique : Les Grands Champs, Meunier par Thierry Fournier. Et proposé un très beau pinot noir de chez Nicolas Morin pour accompagner le « Perdreau rouge en Rossini rustique et sauce Belino ». La carte des vins qu'il compose ici vaut clairement le détour. Ses conseils avisés aussi.
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La cuisine et sa cheminée
Une jolie découverte, encore un peu brute de décoffrage peut-être mais très prometteuse, où on aura plaisir à retourner s'attabler pour découvrir la carte de printemps.
Prix : Menu dégustation en 7 services, 145 euros
Ce qu'il faut retenir
L'île Saint Louis redeviendrait-elle fréquentable à l'heure du dîner ? C'est en tout cas le pari de ces deux trentenaires talentueux et ambitieux qui ont avec leur Cypsèle tous les moyens et le réseau international nécessaires pour faire venir une nouvelle génération en quête d'expériences.
CYPSÈLE
11, rue des Deux Ponts 75004 Paris
Ouvert du mercredi au samedi, pour le dîner et les vendredi et samedi au déjeuner
cypsele.fr



