 Emmanuel Laveran, Le vendredi 17 octobre 2025
Emmanuel Laveran, Le vendredi 17 octobre 2025Le Pergolèse : la vérité du produit selon Julien Dumas
Le bon sans concession
À l’instar des rares restaurants de Paris comme Table, du puriste Bruno Verjus, Julien Dumas met un point d’honneur à ne cuisiner que des produits dont il maîtrise la traçabilité. « C’est une question de principe, je ne peux pas servir à ceux que je reçois, et à qui je dois toute mon attention, autre chose qu’un produit d’une qualité irréprochable. Et un produit de cette qualité, il faut le mettre en avant. Voilà, basta ! Ma cuisine, c’est celle du produit ». S’en suit une liste de fournisseurs triés sur le volet, partenaires au long cours auprès desquels le chef se ravitaille. Fabrice Gabriel, par exemple, ramasse les champignons dans la Meuse, à 2 heures de TGV de Paris. Il récolte aussi de l’ail des ours, des bourgeons de sapin et des plantes sauvages au fil des saisons, qu’il achemine dans la journée jusqu’à la capitale pour approvisionner quelques privilégiés.
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			  Fabrice Gabriel, le cueilleur de champignons et d’herbes sauvages de Julien Dumas © Emmanuel Laveran 
Le poisson et l’océan ? C’est Gilles Jégou qui initia autrefois Julien Dumas, à la criée d’Étel, en Bretagne. « Un poisson frais, pêché à la ligne sur de petits bateaux, n'a pas du tout la même saveur. J’ai comparé, goûté, observé. Je me suis amusé à déguster chaque poisson cru, à peine cuit, ou différemment travaillé. Aujourd’hui, un Saint-Pierre, je sais comment je l’aime. Un mulet, pareil. Pour chaque poisson, il existe un nombre limité de possibilités. Une fois que j’ai compris ça, je ne pouvais plus m’approvisionner ailleurs que chez Gilles. Il connaissait chaque pêcheur, chaque bateau, vérifiait chaque pièce, et me livrait la meilleure dans la journée » raconte le chef, aujourd’hui en contact quotidien avec ses propres pêcheurs. Gilles Jégou disparu, il a rigoureusement sélectionné les mareyeurs qui expédient le jour même.
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			  La cuisine en plein service © Emmanuel Laveran 
« Au Pergolèse, tout est sourcé. Je sais qui cultive les tomates vertes, qui pêche le crabe. Je sais combien les lieus pèsent et d'où ils viennent » milite Julien Dumas. Parce que la démarche écologique et l’empreinte carbone comptent aussi en cuisine. Sans se priver de poissons fraîchement pêchés dans l’océan, à quelques heures de Paris, Julien Dumas privilégie un approvisionnement raisonné : les fruits et légumes proviennent d’Herblay, en Île-de-France. Son sourcing traduit une conviction simple : acheter le meilleur, mais aussi le plus local possible. « J'aime la nature, j'aime mes producteurs » nous livre encore le chef passionné, bien dans ses baskets et installé dans une démarche qu’il sait vertueuse.
Droit au but
Julien Dumas, c’est un peu le Mbappé de la gastronomie. Droit au but, sans chichi ni concession. Il fait figure d’OVNI dans le paysage culinaire, délaissant les codes pour se concentrer sur une seule chose, essentielle : redonner au produit toute sa vérité. Avec finesse et élégance, il créée des assiettes les plus naturelles possible, cherche à mettre en valeur un aliment pour ses qualités intrinsèques. Passeur de goûts, il cultive le paradoxe : en transformant, il transforme le moins possible. Chercheur fou, il questionne en ajoutant la touche créative qui magnifie.
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			  « Les rochers des îles du Morbihan et les bords de mer » Homard bleu et biquinho par Julien Dumas © Emmanuel Laveran 
Ce homard servi quasiment cru, juste raidi et fumé est un exemple parfait. Le barbecue caramélise la chair, imprime les saveurs du grillé, capte le côté rassurant du crustacée. Mais la texture, inédite, bouleverse. Le cru prend le pas sur le cuit. Un jus profond à base de vanille, une huile de piment légère, complètent subtilement un tableau grandiose. Le produit explose et s’exprime à plein, on comprend la démarche, avec la manière.
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			  « Les pâturages en bord de mer, non loin des vergers » Thon rouge, bœuf et prune © Emmanuel Laveran 
Autre fulgurance : cette ventrèche de thon rosée, surmontée de trois cubes de bœuf, d’une sauce au yaourt, d’une feuille d’agastache et d’un condiment prune. La saison inonde les papilles, les textures et les saveurs se répondent, comme un jeu de ping-pong au palais. La trouvaille est immense. On déguste également un vitello tonnato 3.0 que nul autre n’aurait pu imaginer. Le traditionnel plat protéiné, l’assiette de « viande » du menu dégustation, se voit traitée de façon singulière. C’est un plébiscite.
	 
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			  Le chef Julien Dumas © Emmanuelle Levesque 
	Julien Dumas tient à proposer des prix sages afin de permettre au plus grand nombre de goûter sa cuisine. Les menus dégustation en 6 et 8 services s’affichent à 99 € et 136 €. Une aubaine pour un chef qui compte 9 années d’étoile Michelin, depuis sa première glanée en 2016 au restaurant Lucas Carton avant de filer diriger les cuisines de l’hôtel Saint James à Paris. Belle carte des vins à prix doux également.
	
	Le Guide Michelin, qui, avant de dégainer l’étoile, suit attentivement l’ascension du prodige, résume la cuisine de Julien Dumas en une formule pleine de sens : « La précision des assaisonnements, la justesse des cuissons et la finesse des associations révèlent tout le potentiel de produits iodés, méticuleusement sourcés ». Le Bibendum ne s’y est pas trompé, la poésie et la méthode en plus.
Le Pergolèse
	40, rue Pergolèse, Paris 16e
	lepergolese.fr



 
 
 
 
			 
			 
			 
			