Chantilly : à La Table du Connétable, la cuisine subtile et locavore de Julien Lucas
Le contexte
Déjeuner le vendredi 28 septembre 2018, deux convives.
Le pitch : Julien Lucas, un jeune chef aux commandes de la prestigieuse Table du Connétable
On file au nord de la capitale. À une petite cinquantaine de kilomètre du cœur de Paris s’étend le prestigieux Domaine de Chantilly, joyau du patrimoine francilien avec ses 7,800 hectares, son Château, son parc ou son Musée du cheval.
C’est ici, entre les jardins du château et les Grandes Écuries que l’Auberge du Jeu de Paume a élu résidence. Le splendide établissement 5-étoiles est membre des Relais & Châteaux, fort de ses 67 chambres et 25 suites ou d’un grand Spa signé Valmont. C’est au sein de ce refuge bucolique que l’on découvre La Table du Connétable. Récompensé d'une étoile Michelin, le restaurant est unanimement considéré comme l’une des meilleurs tables du département.
Depuis un moins d’un an, un jeune chef a pris les rênes des cuisines de l'Auberge du Jeu de Paume. Après Arnaud Faye (parti rejoindre le Château de la Chèvre d’Or sur la Côte d’Azur) et Clément Leroy (désormais expatrié à Londres), Julien Lucas se retrouve propulsé en haut de l'affiche, après été formé auprès des plus grands (Joël Robuchon, Alain Ducasse, Eric Frechon). Il a travaillé dans les plus grandes maisons (le Relais Bernard Loiseau, La Grande Maison de Bernard Magrez, le Jules Verne) et a parfait son expérience aux quatre coins du monde (Paris, Monaco, Londres, Bora-Bora).
À 32 ans, le voici donc pour la première fois « chez lui », au poste de chef de cuisine. Aux commandes du fleuron gastronomique de l’hôtel, il est plus que jamais prêt à proposer son interprétation de la cuisine bourgeoise qu’il a tant perfectionnée au fil de sa carrière.
Dans l’assiette : une cuisine locavore, subtile et surprenante
Dans le cadre luxueux de l’Auberge du Jeu de Paume, il aurait été aisé, pour ne pas dire logique, de céder à la tentation. Celle d’imaginer une carte de cuisine néoclassique (produits nobles, harmonies de saveurs éprouvées, interprétation contemporaine) à l'exécution sans faille.
C’est mal connaître Julien Lucas. L’ancien élève de Robuchon a pris l’exact contrepied de cette approche conservatrice. On imagine qu'elle aurait pourtant satisfait nombre de convives du restaurant autant qu'elle n'aurait garanti de conserver la précieuse étoile Michelin.
Au contraire, en puisant son inspiration dans les terroirs franciliens et picards où il source la grande majorité de ses produits, le chef met à l’honneur des saveurs ayant rarement les honneurs des grandes tables françaises. Endives, betteraves chicorées et autres herbes sauvages cueillies localement viennent parfumer des assiettes au cordeau, techniquement irréprochables, gustativement audacieuses.
Quand il troque le turbot ou le bar pour des poissons d’eau douce (le sandre, le brochet), quand il met le végétal au cœur de sa proposition d’entrées (la tomate, le petit pois) ou quand il invite l’amertume et baisse les niveaux de sucre au minimum syndical côté desserts (la fameuse endive picarde est mariée au chocolat grand cru dans l’une de ses recettes signatures, alors que la fraise est, elle, confrontée aux céréales et à… la bière !), une chose est certaine, Julien Lucas ne choisit jamais la voie de la facilité.
Les palais avertis apprécieront cette prise de risque payante, parfaitement maîtrisée, que l’on retrouvera prochainement à travers une toute nouvelle carte d’automne. Elle mettra à l’honneur les gibiers dont le chef est amateur (en témoigne l’excellent chevreuil d’été, originaire de son Alsace natale, goûté à l’occasion de notre déjeuner).
Dans la salle
Atmosphère feutrée dans la salle à manger (40 couverts) qui s'ouvre sur les jardins du Domaine et la Fontaine de Beauvais. Le décor, à l’impeccable classicisme inspiré du 18ème siècle, ne permet pas vraiment - c'est un euphémisme - d’imaginer la modernité dont fait preuve Julien Lucas derrière les fourneaux.
Le service
Aussi précis dans les gestes que dans les explications, indispensables pour ne pas passer à côté des subtilités de l’assiette, le service ne laisse aucune place à l’approximation.
L’addition
- À la carte, entrées de 48 à 62€ ; poissons de 59 à 73€ ; viandes de 68 à 82€ ; desserts à 23€.
- Menu de saison en 3 services (entrée, plat, dessert) à 95€.
- Menu dégustation « En Chemin » en 4 ou 6 services à respectivement 145€ et 175€. Comptez 295€ pour l’accord mets et vins.
Les conseils de la rédaction ?
- Les prix à la carte grimpant vite, optez pour le menu dégustation en 4 services. Il offre un très bon aperçu de la cuisine de Julien Lucas sans pour autant afficher un tarif déraisonnable.
- La Table du Connétable est avant tout un restaurant qui vit à l’heure du dîner. On réserve le soir et on passe la nuit à l’Auberge du Jeu de Paume. Pour vivre l’expérience jusqu’au bout.
Dommage ?
- Le recours fréquent aux émulsions : ce n'est certes jamais gênant mais cela ne semble pas non toujours indispensable.
- Le manque de gourmandise de certains desserts. Si la démarche gustative est intéressante, on atteint, selon nous, les limites de l’exercice de « désucrage ».
Ce qu’il faut retenir / Notre avis
Transition réussie pour la Table du Connétable ! Grâce à son jeune chef Julien Lucas, le restaurant gastronomique de l’Auberge du Jeu de Paume maintient non seulement le standing gastronomique mis en place par ses prédécesseurs, mais s’offre également le luxe d’adopter une identité culinaire solide, durable, au potentiel indiscutable.
Puissant ancrage local, précision des saveurs, subtilité des harmonies, l’audace dont fait preuve le nouvel homme fort des cuisines devrait lui permettre, à terme, de viser une seconde étoile.
La Table du Connétable
À L’Auberge du Jeu de Paume
4 rue du Connétable
60500 Chantilly - France
Horaires
- Déjeuner : de 12h à 14h (vendredi et samedi)
-Dîner : de 19h à 21h30 (du mardi au samedi)
Contact
Tél : +33 (0)3 44 65 50 05
Informations sur le site Web de la Table du Connétable