Céline Dassonville, Le mercredi 26 novembre 2025Alphonse Island, Seychelles : le vrai luxe, c’est la vie sauvage
Alphonse Island. Un confetti triangulaire de 1,2 km de large, ceinturé par un récif corallien spectaculaire. Dans les outer islands des Seychelles, cet îlot isolé a vu naître un projet singulier : un éco-resort entièrement autonome, planté dans une ancienne cocoteraie, qui fut longtemps un sanctuaire pour les adeptes de pêche à la mouche en mer. Aujourd’hui, cet hôtel aux Seychelles entrouvre ses portes à ceux qui veulent vivre une immersion dans une nature quasi vierge. Nous sommes allés jusqu’à ce bout du monde pour découvrir ce projet hors norme. Un lieu où la logique touristique existe pour soutenir la conservation (et non l’inverse).
Les points forts :
Un paradis isolé dans les outer islands
Un écosystème vierge et florissant, d'une riche biodiversité
Abondance d'activités océaniques et terrestres
Destination de renommée mondiale pour la plongée sous-marine et la pêche à la mouche
Une destination coupée du monde (ou presque)
Les Seychelles : le plus petit pays d’Afrique, un archipel posé au milieu de l’océan Indien, à sept degrés sous l’Équateur. De ses 115 îles, on cite spontanément Praslin, La Digue ou Mahé, les îles intérieures qui concentrent l’essentiel du tourisme et d’où partent les croisières. On connaît moins les Outer Islands. Ces 72 atolls et îlots de sable répartis en quatre groupes : Alphonse, Aldabra, Amirantes et Farquhar s’étendent à 400 kilomètres au sud-ouest de Mahé, et à près de 1 300 kilomètres des côtes africaines. Au début du XXᵉ siècle, les îles extérieures jouaient pourtant un rôle dans l’économie locale. Les goélettes faisaient la navette d’un atoll à l’autre chargées de coprah, poisson séché, holothuries, nacre et écailles de tortue acheminés vers Mahé. Aujourd’hui, seules quelques Outer Islands sont encore habitées tandis près de 30 % de ces territoires relèvent désormais de zones marines protégées.
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Un paradis tropical immaculé au cœur de l’océan Indien
Alphonse Island : entre Robinson Crusoé, Lost et Jurassic Park
Ne serait-ce le sentier aménagé, percé de milliers de trous ou s’engouffrent les crabes violets, la vision est celle d’une cocoteraie abandonnée, un enchevêtrement de lianes, mousses, fougères, plantes géantes, et cocotiers aux troncs effilés qui quadrillent l'espace en 3D. Fendue en son milieu par une piste d’atterrissage, Alphonse Island dessine un triangle quasi parfait. Découverte en 1562, l’île fut baptisée « Alphonse » en 1730 par le chevalier français Alphonse de Pontevez.
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Au XXe siècle, l’île produisait d’importantes quantités de coprah
Exploité pendant des siècles pour ses cocotiers et ses ressources naturelles, l'archipel se compose de deux atolls : Alphonse et Saint-François. Devenue propriété des Seychelles indépendantes en 1976, l’île s’oriente ensuite vers le tourisme avec l’ouverture d’un premier hôtel en 1999. Depuis 2012, Blue Safari Seychelles y développe un resort tourné vers un écotourisme haut de gamme. L’île n’est pas privée au sens strict, mais son isolement lui donnent un véritable sentiment d’exclusivité. Le côté ouest est resté totalement sauvage : il s'agit principalement d'une forêt et d'une réserve naturelle avec des colonies d'oiseaux et des sites de nidification de tortues. Le versant est concentre, lui, l’ensemble des infrastructures: le resort, les logements du personnel, une ferme, une centrale solaire de 2 200 panneaux, ainsi qu’une unité de dessalement et de traitement des eaux usées.
L’île couvre aujourd’hui 85 % de ses besoins en énergie et produit toute son eau douce. L’usage du plastique est proscrit : l’eau est fournie en bouteilles de verre. D'ailleurs notez bien qu'elle n'est pas minérale, d'où les électrolytes disponibles dans le mini-bar, fortement recommandés pour éviter la déshydratation. De plus, les pluies tropicales sont collectées pour alimenter la blanchisserie, tandis que la piscine fonctionne exclusivement grâce à l’eau de pluie.
Un sanctuaire pour la pêche à la mouche en mer
Avant de devenir une destination d’écotourisme, Alphonse Island doit tout - ou presque - à Keith Rose-Innes. Ce chef d’entreprise sud-africain a passé plus de vingt ans à arpenter les Outer Islands. C’est lui qui a compris le potentiel de l’atoll, posant les bases de ce qui deviendra plus tard le projet Blue Safari Seychelles. Longtemps, l’île est restée un secret d’initiés. On y venait pour la pêche à la mouche en eau salée, réputée ici comme l’une des meilleures au monde.
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L'île Alphonse est la destination idéale pour les pêcheurs à la mouche ©Alphonse Island
Aujourd’hui encore, la discipline reste l’une des principales motivations des voyageurs. Pour preuve : Chantal, 84 ans, surnommée affectueusement « Mamie Chantal » par les équipes, mordue française de Clermont-Ferrand qui vient taquiner la carangue géante ici depuis plus de vingt ans ; ou ce pêcheur américain qui y a célébré cette année ses 90 ans. L’activité est strictement régulée. Chaque sortie suit un code de conduite destiné à limiter au maximum l’impact sur les poissons : la pratique se fait exclusivement en catch and release (aucun poisson n’est prélevé) et le nombre de pêcheurs autorisés est plafonné à douze par jour.
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La pêche est strictement encadrée : un code de conduite régit chaque sortie pour préserver les espèces
Luxe décontracté, pieds dans le sable
Sur la côte est d’Alphonse, vingt-deux bungalows s’alignent en léger retrait de la plage, des cabanes en A posées sur pilotis, coiffées de toits en feuilles de palmier dont la silhouette créole se fond dans la végétation. Climatisés, ils abritent une grande chambre-salon et une vaste salle de bains prolongée par une douche extérieure. L’ensemble a été entièrement repensé dans des matériaux naturels et contemporains. Sur la véranda, un large sofa immaculé fait face à la mer, on y observe parfois un gecko vert fluo disparaître dans les feuillages.
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Des villas isolées, dotées d’une piscine privée et d’une terrasse donnant sur la plage
Alphonse Island propose 22 bungalows (58 m2), chacun dispose de vélos à pignon fixe, qui seront votre moyen de locomotion de jour comme de nuit (on recommande la balade nocturne sur l’unique sentier de l’île, expérience à la fois profondément hypnotique et mystérieuse). Depuis le jardin privatif, quelques pas dans le sable mènent à une plage déserte. Spectacle irréel : à quelques mètres seulement, des tortues nagent le long du rivage. Deux espèces de tortues marines fréquentent les eaux des Seychelles et utilisent Alphonse comme sites de reproduction. À noter : l’éclairage du resort dans sa totalité est conçu pour ne pas les perturber et la végétation des crêtes de plage est préservée afin de protéger leurs zones de nidification.
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Des hébergements élégants ©Alphonse island
Pour ceux qui souhaitent plus d’espace, cinq villas (126 m2) offrent un grand salon, une salle de bains généreuse dans une palette douce de bleus, de verts et de tons naturels. Toutes s’ouvrent sur une terrasse baignée de lumière et une piscine privée et accès direct à la plage.
Enfin, pour les familles ou groupes d’amis, deux villas (600 m2) - Manta Retreat et Marlin Retreat - se déploient face à la mer. Ces demeures de plain-pied de 600 m² comptent quatre grandes chambres doubles, chacune avec salle de bains privative. Un vaste espace de vie ouvert décorés d’oeuvres d’art exceptionnelles réunit salon et salle à manger, prolongé par une terrasse ensoleillée et une piscine privée.

Le jardin mène directement au rivage. Un chef peut être mis à disposition, et chaque villa dispose de sa propre voiturette de golf ainsi que de vélos pour l’ensemble des occupants. Le resort compte aussi un restaurant ouvert sur la mer, une piscine, deux courts de tennis et un petit spa, bientôt entièrement repensé pour proposer des expériences outdoor.
De l'océan à l'assiette
Restaurant et bar animent la vie du resort : on s’installe en terrasse ou les pieds dans le sable, face à l’océan.
La ferme fournit près de 75 % des produits frais de la cuisine. Un exploit quand on sait qu'Alphonse est un atoll corallien, posé sur un sol hostile et salin où, naturellement, rien ne pousse hormis quelques filaos et cocotiers opiniâtres. Et pourtant un jardin nourricier quasiment entièrement biologique s’est développé au centre de l'île, géré par une équi pe de dix personnes.
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Fruits, légumes et herbes approvisionnent les cuisines de l’ensemble des établissements Blue Safari
Une cinquantaine de variétés de plantes comestibles et 4,5 tonnes de légumes sont produits par mois en pleine saison pour alimenter le resort. Ne manquez pas la visite guidée qui montre comment cette prouesse a été rendue possible, grâce notamment à un programme de compostage ambitieux transformant en plus de 80 tonnes de compost riche en nutriments chaque année. Passionnant.
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La ferme produit fruits et légumes frais et biologiques
Côté mer, la même philosophie est à l’œuvre. Ainsi, tous les poissons arrivent des bateaux de Blue Safari Seychelles, pêchés à la ligne pour ménager les récifs. La cuisine oscille entre influences créoles seychelloises, touches françaises et inspirations venues des îles voisines.
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Une nourriture simple, fraîche et délicieuse ©Alphonse island
On mange très bien à Alphonse, tout est délicieux, ultra frais, digeste. On s’installe en terrasse ou les pieds dans le sable, face à l’océan, pour se régaler de wahoo servi juste saisi avec un zeste de jus de citron, accompagné de pak choï et de coriandre ; de tartare de thon relevé de raifort, ciboulette à l’ail et lavosh au sésame, d’un bowl sauce chimichurri avec labneh, aubergine grillée et herbes fraîches. Quelques jours suffisent pour sentir la différence : le corps s’allège (et avec lui l'esprit !), l’énergie revient. Et si l’on repart avec cette sensation de régénération, c’est bien sûr la magie du lieu qui a fait son œuvre, mais aussi la qualité - exceptionnelle - de la nourriture servie.

Une vie sauvage foisonnante
Sur un caillou de 1,2 km, paradisiaque certes, l’esprit occidental craint de tourner en rond. Alphonse Island impose son tempo, on y goûte au privilège ahurissant d'une île quasi déserte, on contemple une noix de coco rouler sur le sable, les bernard-l’hermite se recroqueviller à son passage. On l’a dit : beaucoup viennent ici pour la pêche à la mouche. Pour s’y initier, difficile de rêver mieux.

L'atoll de Saint-François déroule des fonds de sable blanc traversés de chenaux et de passes, un terrain idéal pour les professionnels comme pour les débutants. Autre activité phare : la plongée. Alphonse est considérée comme la meilleure destination des Seychelles, avec plus de trente sites accessibles à tous les niveaux et des fonds d’une richesse inouï : raies, tortues, barracudas, requins de récif, carangues… Parmi les activités incontournables proposés au resort : la plongée avec les raies mantas, le snorkeling avec les espadons voiliers, les cours d’apnée et les plongées nocturnes.
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Plonger avec les raies manta
Mais si vous n’êtes ni pêcheur ni plongeur, Alphonse offre de nombreuses autres activités. Le programme s'ajuste chaque jour en fonction de la météo. Le soir, lors de l’apéritif au grand bar, les équipes passent voir les hôtes, les liens se tissent entre les voyageurs venus d’Europe, d’Afrique du Sud ou des Etats-Unis. Le pluplart des activités sont en lien avec la bature et la conservation. Le nettoyage des plages, par exemple, fait partie des initiatives régulières (plus de 17,6 tonnes de déchets plastiques ont pu être retirées du littoral) tout comme le nourrissage des tortues géantes. L’île en compte environ 125, dont la doyenne, George, centenaire et très... affectueuse.
Incontournable : la croisière à Bijoutier. Cet îlot minuscule et parfaitement rond, cerclé d’un cordon de corail blanc et d’une mer turquoise, est un sanctuaire de ponte pour les tortues, et l’un des plus beaux endroits des Seychelles pour se baigner dans une eau calme et translucide.
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Joyau de l’atoll de Saint-François, le lagon de Bijoutier, bordé de cocotiers
Le flat lunch hebdomadaire, est le climax du séjour. L’arrivée en bateau imprime la rétine : un banc de sable immaculé, une eau parfaitement turquoise, et, le temps d’une marée, quelques tables, chaises et parasols plantés sur le lagon avant votre arrivée. On y déguste de délicieuses grillades de poissons et de viandes, des salades fraîches.... Le soleil tape fort, mieux vaut se protéger. Et savourer chaque minute : la marée remonte vite, il faut déjà regagner le bateau. Et déjà le décor s’efface comme si tout cela n'avait été qu'un rêve.
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Un pique-nique inoubliable au milieu de l’océan Indien
Enfin, direction l’île inhabitée de Saint-François, accessible en 40 minutes de bateau. En compagnie d'un guide naturaliste, l'excursion traverse mangroves et zones humides où l’on observe une faune avifaune omniprésente : plus d’une centaine d’espèces d’oiseaux, endémiques ou migrateurs - puffin fouquet, gygis blanche, noddi brun - mais aussi des crabes et de jeunes requins-citrons qui nagent dans les eaux peu profondes. Le lagon est en effet une nurserie, on y aperçoit aussi des raies glisser littéralement sous les pieds.
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Sur l’île inhabitée de Saint-François, des milliers d’oiseaux se rassemblent
Luxe sans conscience n'est que ruine de l'âme
Le luxe dans l’hospitalité peut prendre d’innombrables visages. Pour certains, il s’exprime dans la grandeur patrimoniale d’un hôtel près des châteaux de la Loire ; pour d’autres, dans l’opulence d’un 5 étoiles de la Côte d’Azur ; ailleurs encore, dans l’intimité d’un boutique-hôtel parisien ou d'un bungalow sur pilotis aux Maldives. Qui sommes nous pour juger, nous qui faisons chaque jour l’éloge de ces lieux somptueux dans nos pages ?
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Alphonse abritait autrefois d’immenses colonies d’oiseaux marins. Aujourd’hui, cinq espèces y nichent encore
Si nous avons choisi de parler d’Alphonse Island, c’est pour mettre en lumière une autre voie. Sur l’échelle de l’écotourisme, Alphonse Island se situe à l’extrémité la plus radicale. Pourquoi ? Car l’hospitalité y est un avant tout prétexte à un vaste projet de conservation. Y séjourner, loin (très loin) de la folie du monde, c’est décider d’être acteur de ce projet de manière tangible. C’est choisir de soutenir une aventure plus vaste, qui laisse une empreinte positive. De la même manière que manger ou s’habiller est politique, voyager l’est aussi. Ici, le luxe ne se mesure pas à la préciosité des matériaux, au nom du designer ou à la marque de spa, mais au nombre de raies mantas identifiées, de tortues venues pondre sur l'île, à la capacité du resort à être totalement autonome.
Alphonse Island
Bungalow (2 adultes, un enfant) prix à partir de 1 490 $ (environ 1287 euros) par personne et par nuit (tout compris).
Villa (2 adultes, 2 enfants) prix à partir de 2 140 $ (environ 1849 euros) par personne et par nuit (tout compris).
Beach retreat (8 adultes, 4 enfants) prix à partir de 2 640 $ (environ 2280 euros) par personne et par nuit (tout compris).
Informations et réservations
Faq
Alphonse Island est-elle adaptée aux enfants ?
Oui. Les enfants de tous âges sont les bienvenus. Ceux de 1 à 23 mois séjournent gratuitement.
Quelle langue parle-t-on ?
Aux Seychelles : créole, français et anglais. Au resort, l’anglais est la langue de référence.
Quand visiter Alphonse Island ?
L’île est ouverte toute l’année. Les périodes les plus agréables vont de novembre à décembre et de mars à avril. Saison sèche : mai-octobre. Saison des pluies : novembre-avril.
Quel est le décalage horaire ?
Les Seychelles ont 3 heures d’avance sur la France en hiver et 2 heures en été. Un décalage modéré, qui limite le jet lag à l’arrivée.
Pas de vol direct depuis la France : il faut d’abord rallier Mahé, puis prendre un petit avion pour Alphonse Island, le vol dure environ une heure. Les liaisons ont lieu chaque samedi, et, en haute saison (de novembre à avril), aussi les lundis et jeudis. La franchise bagage est de 15 kg. Sur une île déserte, on voyage léger.
Alphonse Island mène l’un des programmes de conservation les plus aboutis de l’océan Indien. Porté par Blue Safari et les biologistes de la Island Conservation Society, il combine recherche scientifique, restauration des habitats et gestion des ressources. Le programme inclut la surveillance des raies manta, des requins, des bonefish et des thons, ainsi qu’un travail constant sur la santé du lagon et des herbiers. Chaque séjour contribue directement à financer ces actions, faisant d’Alphonse un modèle de tourisme insulaire durable.



