Adrien Juif, Le mardi 23 décembre 2025
Restaurants

Pilgrim, élégance japonaise et haute précision

Porté par le chef Masaki Nagao, le restaurant Pilgrim dévoile une cuisine d’inspiration japonaise, rigoureuse et sensible, où la technique s’efface derrière le goût. À des tarifs de lancement étonnamment accessibles, l’adresse attire déjà les amateurs éclairés. Une table confidentielle, exigeante, et résolument tournée vers l’essentiel.
  • Une mise en bouche au restaurant Pilgrim © Alice Casenave
    Une mise en bouche au restaurant Pilgrim © Alice Casenave
Le chef arrive ici avec un bagage technique solide et une vision déjà très affirmée

Pilgrim, la précision japonaise dans le calme du 15e

Une rue paisible du 15e arrondissement, à l’écart des radars foodies et du tumulte parisien. Et pourtant, en ce midi de mi-décembre, la salle de Pilgrim affiche complet. Les gastronomes se sont passés le mot, attirés par une promesse rare à Paris : une cuisine de haut niveau à des prix de lancement particulièrement sages. Comptez 55 euros au déjeuner en trois temps, 75 euros le soir en quatre temps avec deux entrées. Disons-le d’emblée : une affaire au regard de l’assiette.

  • Portrait du chef Masaki Nagao dans ses cuisines du Pilgrim © Alice Casenave

    Portrait du chef Masaki Nagao dans ses cuisines du Pilgrim © Alice Casenave

La récente réouverture du lieu s’accompagne d’un changement de cap assumé, porté par une nouvelle équipe et, surtout, par l’arrivée du chef Masaki Nagao. Un nom encore discret mais un parcours qui force le respect. Passé par Duende à Nîmes aux côtés de Pierre Gagnaire (deux étoiles Michelin), puis par Le Clarence (même distinction), il a aussi fait ses armes chez Vantre et au Clown Bar, longtemps sanctuaire des initiés. Le chef arrive ici avec un bagage technique solide et une vision déjà très affirmée.

 

Une scène culinaire à ciel ouvert

Ce qui frappe en entrant chez Pilgrim, c’est cette immense cuisine ouverte, spectaculaire sans jamais être ostentatoire. Ultra-équipée, pensée comme un outil de haute précision, elle évoque davantage les maisons gastronomiques les plus exigeantes que le restaurant de quartier. En contrepoint, la salle joue la carte d’une sobriété d’inspiration japonaise : bois omniprésent, lignes épurées, fauteuils confortables. Un équilibre subtil où la modernité de la cuisine ne fonctionnerait pas sans la retenue presque méditative de l’espace.

  • La salle du restaurant Pilgrim © Alice Casenave

    La salle du restaurant Pilgrim © Alice Casenave

Pour orchestrer la salle, Keiichi Matsumoto, que l’on a connu chez Ogata, assure un service attentif, précis, sans rigidité. Il maîtrise parfaitement les accords et signe ici une partition particulièrement intéressante autour des boissons. Mention spéciale pour les thés infusés et servis frais, proposés en alternance avec des accords alcoolisés. Une approche encore trop rare à Paris, mais menée ici avec intelligence et gourmandise.

Chaque condiment, chaque élément de l’assiette a une raison d’être

Le goût avant le geste

La mise en bouche donne immédiatement le ton : des tuiles de parmesan servis avec une infusion de thé vert genmaicha, aux notes de riz soufflé, délicatement relevée par une touche d’écorce de yuzu. Un prélude tout en finesse, qui prépare le palais sans le saturer.

Le premier plat frappe juste : des Saint-Jacques à peine snackées, accompagnées de persil tubéreux et d’une sauce redoutable de profondeur. Une partie des bardes et du corail a été séchée puis réduite en poudre avant d’être incorporée à la sauce, apportant une sucrosité naturelle et une intensité iodée remarquable. L’accord avec un saké finement choisi fonctionne à merveille. Une entrée qui met instantanément en joie et annonce la couleur.

  • Les Saint Jacques du chef Masaki Nagao au restaurant Pilgrim © Alice Casenave

    Les Saint Jacques du chef Masaki Nagao au restaurant Pilgrim © Alice Casenave

Suit un canard proposé en deux morceaux distincts, nappé d’une sauce au vin rouge dense et brillante, qui témoigne de la maîtrise technique du chef, notamment sur les cuissons. L’une des pièces est travaillée au binchotan, ce charbon japonais réputé pour la précision de sa chaleur. Jamais démonstratives, les techniques sont ici entièrement au service du produit. L’élégance domine, sans chercher à impressionner pour impressionner. Chaque condiment, chaque élément de l’assiette a une raison d’être. Tout est pensé, mais jamais intellectualisé à l’excès.

  • Le canard servi au Pilgrim, restaurant de la semaine de la rédaction © Alice Casenave

    Le canard servi au Pilgrim, restaurant de la semaine de la rédaction © Alice Casenave

Le dessert, autour du kiwi jaune et vert, prolonge cette philosophie. Travaillés en morceaux, en voiles délicats, accompagnés d’une glace rafraîchissante, les fruits s’expriment avec franchise et viennent parfaire l’équilibre de ce repas. La pâtissière inspirée signe un dessert à l’assiette en parfaite continuité avec la cuisine du chef, sans rupture de ton et avec cette élégante sobriété en point d'orgue.

Ce qu’il faut retenir

Pilgrim démarre fort, avec une ambition claire et assumée, mais surtout avec une attention sincère portée au client et à l’expérience globale.  Reste une question : cette adresse saura-t-elle nous faire traverser Paris pour rejoindre ce quartier que beaucoup considèrent encore comme un désert gastronomique ? La réponse semble évidente. Oui, pour la découverte, à des prix plus que compétitifs au regard des ambitions affichées, mais aussi, et surtout, pour l’envie d’y revenir. Un restaurant qui ne cherche pas le coup d’éclat, mais qui construit patiemment une promesse de régularité et de plaisir. Et c’est souvent là que naissent les grandes tables.

Pratique

Pilgrim
8, rue Nicolas Charlet, Paris 15e
Du mardi au samedi
 12h-13h30 et 19h30-21h

Réservations
pilgrimparis.com