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Pierre GautrandPierre Gautrand, Le vendredi 10 février 2023
Chefs

Entretien avec Frédéric Robert, un chef étoilé discret inspiré par la poésie des saisons

Chef depuis 16 ans à La Grande Cascade installée au coeur du Bois de Boulogne, Frédéric Robert se raconte et livre sa vision particulière de la cuisine. Rencontre.
  • Frederic Robert © DR
    Frederic Robert © DR
  • La Grande Cascade © DR
    La Grande Cascade © DR
  • La Grande Cascade © DR
    La Grande Cascade © DR
  • La Grande Cascade © Mathilde
    La Grande Cascade © Mathilde
  • Frederic Robert © DR
    Frederic Robert © DR
  • La Grande Cascade © Nicolas Buisson
    La Grande Cascade © Nicolas Buisson

Fin d’une belle matinée du mois de février. La lumière balaie le Bois de Boulogne, petit coin de campagne à 10 minutes des Champs Elysées. C’est ici, à la lisière de Paris, que l’institution parisienne La Grande Cascade (1*) se tient dans son pavillon de chasse de style Napoléon III. Inauguré en 1901, un an après la dernière exposition universelle à Paris, l’établissement étoilé est un lieu « hors du temps » qui a conservé son décor historique du XIXsiècle. En tenue, Frédéric Robert se tient au fond de sa cuisine et assiste à la mise en place qui précède le service. Les cheveux mi-longs grisonnants coiffés en arrière, le timbre grave, l’homme qui travailla aux cotés d’Alain Senderens et de Bernard Pacaud s’est forgé une expérience impressionnante en passant par l'Ambroisie (3*) et le Grand Véfour (2*) et Senderens (2*).

YONDER : Bonjour Frédéric Robert, parlez-nous un peu de vous…

Frédéric Robert : Contrairement à certains chefs, je n’ai pas eu la vocation de la cuisine dès le début. Je suis né à Paris et mes parents ont rapidement déménagé à Rouen. Je suis arrivé à l’école hôtelière de la ville car plus aucun établissement ne voulait de moi (rires). Au départ, je désirais être en salle. Puis lors d’un cours de cuisine en première année, j’ai eu un déclic et c’est parti comme une flèche. Arrivé en deuxième année, j’ai réalisé un stage à Deauville au Club 13 Normandie (les actuels Manoirs de Tourgeville) propriété de Claude Lelouch. Une fois ma formation achevée, j’ai voulu intégrer le monde du travail.

  • Frederic Robert © DR
    Frédéric Robert © DR


Où avez-vous fait vos débuts ?

J’ai débuté en tant que commis à l’hôtel de Crillon. À l’époque, le restaurant, 2 étoiles au Michelin, était sous la houlette de Jean-Paul Bonin. Il m’a fait commencer au petit déjeuner à 5 heures du matin avec des oeufs brouillés et Bénédictine. C’est le parcours traditionnel. J’y suis resté deux ans, avant d’intégrer pendant 3 ans le Grand Véfour auprès de Raymond Oliver. Participer à l’ouverture de l’Ambroisie (3*), place des Vosges, en tant que chef de partie aux côtés de Bernard Pacaud a marqué un tournant dans ma vie. Je partirai 6 ans plus tard en ressortant chef adjoint.
 

Comment s'est passée votre première expérience à La Grande Cascade ? 

Mon premier passage comme sous-chef à La Grande Cascade a duré 4 ans. Il y a eu un confit de générations entre le chef de l’époque, Jean Sabine, et moi qui étais dans la force de l’âge. Notre relation s’est ternie. J’ai préféré prendre mes distances et c’est à ce moment là que je suis parti au Vivaroi, rue Victor Hugo (l’établissement 2 étoiles Michelin n’existe plus, ndlr) aux coté de Claude Peyrot.

  • La Grande Cascade © Pierre Gautrand
  • La Grande Cascade © Pierre Gautrand

 

J’adore cuisiner tout ce qui est sauvage : poisson, champignon, gibier

En 2005, Alain Senderens renonce à ses étoiles ... 

Il en avait marre et voulait ouvrir une brasserie. Il décide de rendre ses étoiles mais Le Michelin lui en a rendu deux… ll a entrepris des travaux de modernisation, ce qui n’a pas été évident sachant que la salle était classée Monument Historique. La brasserie a fonctionné du tonnerre, on faisait 100/130 couverts par soir. Mais passer de la haute couture au prêt à porter n’est pas facile pour tout le monde. Un an plus tard, j’ai pris la décision de voler de mes propres ailes. À Paris, j’avais la réputation d’être « le chef des chefs ». En 2006, après une proposition de la famille Menut, j’ai rejoint La Grande Cascade en qualité de chef.
 

Comment travaille-t-on avec un grand chef ?

En réalité, j’ai travaillé avec trois couples, que ce soit à l’Ambroisie, au Vivarois ou au Lucas Carton. J’ai toujours fait en sorte de m’entendre avec les femmes. Il ne faut jamais oublier que derrière un grand chef il y a toujours une femme qui le remet dans le droit chemin, aussi bien au niveau de la création qu’au niveau économique.

  • Frederic Robert © Emmanuel Laveran
    Frédéric Robert © Emmanuel Laveran


Comment décririez-vous votre cuisine ?

La cuisine est similaire à la médecine. On fait une école où l’on vous inculque les bases, mais aucune école hôtelière ne peut proposer les conditions de travail réelles rencontrées dans un restaurant et surtout l’ambiance particulière des services… On accumule des informations. Il faut avoir une bonne mémoire pour être cuisinier. On prend le meilleur dans chaque maison : que ce soit une essence de gibier, un fumet de poisson, une façon de préparer les légumes… Une fois que l’on a tout codifié, on peut enfin créer son propre style - à la manière d'un peintre ou d'un musicien - un style que l’on affine au fil des ans. Le style réunit deux conditions : un lieu qui lui correspond et une philosophie. La mienne est de remplacer ce qui peut l’être pour l’améliorer.

  • La Grande Cascade © Pierre Gautrand
  • La Grande Cascade © Pierre Gautrand

 

Mon autre signature sont les agrumes, une obsession d’Alain Senderens qui a fini par déteindre sur moi. J’adore l’acidité du combava ou du cédrat

Quel est votre style ?

J’adore cuisiner tout ce qui est sauvage : poisson, champignon, gibier… Le style évolue par rapport au reflet de la société, comme la mode ou la couture. La tendance est à la cuisine légère : on évite le beurre et la crème pour se concentrer sur les légumes. Aujourd’hui, je propose un menu du jardin spécialement conçu pour les végétariens et végétaliens. J’adore le croustillant et le moelleux, ça fait partie de mes paramètres de construction de plat. Mon autre signature sont les agrumes, une obsession d’Alain Senderens qui a fini par déteindre sur moi. J’adore l’acidité du combava ou du cédrat.

  • La Grande Cascade © DR
    La Grande Cascade © DR


Quelle recette préparez-vous en ce moment ?

La saison du petit gibier est révolue. On débute sur une carte à la nouvelle ossature : grosse gambas enveloppée dans une feuille de kadaif, canard au citron vert, canette de Barbarie, filet de boeuf, homard à l’américaine glacé au miel de châtaigne. Certains chefs courent après les recettes. Si je fais déjà 5 belles recettes dans l’année, je suis ravi. Comme disait Senderens, la bonne cuisine se distingue par son aptitude au vieillissement. À La Grande Cascade, certains clients viennent spécialement pour des plats qui ont plus de 10 ans. C’est là que je me dis que ma recette tient la route (rires). Entre nous, l’originalité d’un plat tient à peu de chose et se manifeste dans le dressage ou dans la garniture. Les modes de cuisson sont toujours les mêmes, à part les cuissons à basse température, et encore.

Dernière question, d’où vous vient cet amour inépuisable pour les produits sauvages ?

Je suis un grand saucier. Le sauvage, c’est le rythme des saisons. J’adore les deux saisons intermédiaires, l’automne et le printemps. L’automne c’est les champignons et le gibier. Le printemps c’est la renaissance.

  • Frederic Robert © DR
    Frédéric Robert © DR
Pratique

La Grande Cascade 
 

Carrefour de Longchamp, 75016 Paris

Ouvert tous les jours de 12h30-14hoo, 19h30-21h30. 

Réservation en ligne

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