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Florence Valencourt, Le vendredi 15 novembre 2024
Chefs

Rencontre avec Arnaud Faye, le nouveau chef en vue au Bristol

On nous aura fait attendre un tout petit peu avant de nous le laisser approcher, mais c'est tant mieux. Moins stressé par la rentrée parisianiste, plus posé, plus concentré, la rencontre avec celui qui a accepté le challenge kamikaze de remplacer le chef Fréchon après 25 ans de maison au Bristol, est une belle surprise. Arnaud Faye, nous irait-il sans faille ?
  • Epicure par Arnaud Faye - Tomate © Thomas Dhellemmes
    Epicure par Arnaud Faye - Tomate © Thomas Dhellemmes

YONDER : Au-delà du coup de poker extraordinaire, qu'est-ce qui vous a poussé à accepter de remplacer le chef Eric Fréchon au Bristol ? 

Arnaud Faye : « J'ai réfléchi pendant un moment. Passer derrière 25 années de « règne » de Fréchon, ce n'est pas évident. Le Bristol est une grosse maison, avec un équipage déjà présent depuis longtemps... C'est impressionnant. Pour autant, après huit ans à Èze, j'avais envie d'un nouveau challenge et il fallait bien que quelqu'un reprenne la place de chef mythique. Alors, pourquoi pas moi ? J'aime les défis. J'ai rencontré la famille Oetker. Elle voulait quelqu'un qui soit sur tous les chantiers et qui ait une vision du management. Ça a matché. On avance, on tient le cap, c'est l'essentiel pour l'instant. 

  • Le chef Arnaud Faye
    Le chef Arnaud Faye

 

Après six mois de prise de poste au Bristol et quelques semaines depuis votre premier service à Épicure, quel est votre état d'esprit aujourd'hui ? 

Arnaud Faye : Franchement, je ne veux pas avoir l'air naïf, mais comme vous le savez, quand on reprend un poste, on reprend un personnel en place. Et j'ai été bluffé par l'ensemble des équipes du restaurant gastronomique, et surtout par Franck Leroy ! Le type a été le bras droit du chef Fréchon pendant des lustres. Il a 30 ans de maison et, clairement, il aurait pu me bizuter ou être réfractaire au changement. Et bien, tout au contraire, c'est l'un des plus dynamiques sur l'innovation et l'accompagnement de ma cuisine. Je ne comptais pas nécessairement dessus donc, mais avoir « le papa de la maison » comme moteur, c'est clairement d'une grande aide et un accélérateur. Par ailleurs, les premiers retours de la clientèle, ancienne comme curieuse, nouvelle, sont plutôt positifs. Cela nous porte tous. 

Justement, vous êtes attendu au tournant comme chef, mais ici vous êtes également un manager, qui bénéficie d'une réputation de fédérateur. Quels sont vos secrets pour emmener tout le monde, dans une époque tellement individualiste ? 

Arnaud Faye : Je ne prétends pas avoir de recette miracle, loin de là. Pour autant, je suis heureux que l'époque ait changé et que cela ne soit plus aussi militaire qu'avant, que ce que j'ai connu en cuisine. Réellement, je n'ai pas de leçon à donner à qui que ce soit, mais pour ma part, j'essaie de m'adapter aux caractères et aux volontés des uns et des autres et de les faire monter, s'épanouir. C'est comme ça qu'on fait une vraie équipe, non ? Ce qui n'empêche pas un vrai leadership du chef, tout au contraire !

  • Arnaud Faye - Homard bleu de la Côte d’Opale © Thomas Dhellemmes
  • Epicure © Maki Manoukian

 

Ok, mais quand on reprend les rênes du gastro de ce palace du 8ème et qu'on fait un premier menu, on s'en sort comment ?

Arnaud Faye : En restant humble et surtout en y allant progressivement. Le tout premier menu, je l'ai conçu en m'imprégnant de mon nouveau terrain de jeu, mais aussi en gardant deux/trois plats que j'avais déjà fait dans le Sud. Comme le rouget ou le homard/melon. Car, si pour les clients c'était une transition, c'était le cas pour moi aussi !

Certes, et c'est bien naturel. Pour autant, si vous deviez définir votre style, avant comme à présent, et dorénavant au Bristol, que diriez-vous ? 

Arnaud Faye : C'est toujours difficile pour moi à verbaliser. Tout ce que je peux dire ici, c'est que je garde une base classique, tout en voulant m'ancrer dans quelque chose de plus contemporain. Avec des « twists » dans les accords, dans les condiments... C'est par exemple le choix du lièvre en deux services, avec de la betterave et de la rose Centifolia de Grasse, un râble saignant (rare et pour initiés heureux) et, pourquoi pas, « à la royale », mais avec un liant qui tient plus du bortsch que de la sauce liée à la française...

  • Arnaud Faye - Rouget de Méditerranée © Thomas Dhellemmes
    Arnaud Faye - Rouget de Méditerranée © Thomas Dhellemmes

 

À vous écouter, on dirait que vous avez toujours évolué à Paris ! Que vous reste-t-il donc de vos années sudistes ?

Arnaud Faye : L'huile d'olive, pardi ! Surtout quand j'arrive au Bristol après un Normand, chantre du bon beurre et de la crème. Au-delà du clin d’œil, après huit ans à La Chèvre d'Or, je suis toujours attaché à cette magnifique huile d'olive de terroir que j'ai trouvée là-bas, donc, mais aussi à pas mal d'aromates du Sud. Pour autant, le plus important à mes yeux – et surtout à Paris – c'est de rester fidèle à ma vision d'une cuisine avec beaucoup moins de crème et beaucoup plus de bouillons et de jus très infusés. 

Vous qui n'êtes plus habitué à Paris (et à tout ce qui va avec), comment supportez-vous la pression du gastro, du palace, de Paris ? 

Arnaud Faye : Une bonne séance de vélo où on envoie les watts, ça vide la tête illico ! Par ailleurs, ma femme et moi on est super heureux d'être de retour à Paris, car on aime se nourrir d'expos et de la pulsation de la ville. De plus, mes copains comme Amaury Bouhours ou David Bizet ou encore Thomas Boullault ont été très accueillants. On n'est pas déphasés, au contraire. 

  • Mignon et ris de veau de lait de Corrèze © Thomas Dhellemmes
    Mignon et ris de veau de lait de Corrèze © Thomas Dhellemmes

 

Pour cette dernière question, allons-y carrément, le Michelin, vous le sentez comment ?

Arnaud Faye : Ce n'est pas vraiment de notre ressort. Moi, j'avance et on verra. Il y a beaucoup de chantiers excitants : une boutique pâtisserie, un cocktail time revalorisé, etc. Les chantiers et les axes de développement sont multiples. 

Et pour le Michelin 2025 ? 

Arnaud Faye : Aucune idée ! Nous, on travaille. On verra bien. 

Propos recueillis par Florence Valencourt