Entretien avec Bruno Oger, chef discret et doublement étoilé de la Villa Archange

À quelques jours du Festival de Cannes 2023, qui se tiendra du 16 au 27 mai, Bruno Oger a du pain sur la planche. Cette année encore, il sera l’auteur des déjeuners du Palais pour les invités de cet événements prestigieux, mais aussi de quelques dîners exceptionnels, dont un pour la maison Yves Saint-Laurent. Mais avant d’être l’un des chefs du Festival, Bruno Oger est surtout à la tête de La Villa Archange, restaurant doublement étoilé situé à une dizaine de minutes de la Croisette, où son équipe et lui proposent une expérience exceptionnelle, naviguant entre l’amour pour sa Bretagne natale et l’attrait pour les beaux produits méditerranéens. Si vous ne le connaissez pas encore, voici tout ce que vous devez savoir sur Bruno Oger.
 

YONDER : Bonjour Bruno Oger, parlez-nous un peu de vous…

Je suis natif de Lorient, en Bretagne, où j’ai grandi avant de faire l’école hôtelière de Dinard. J’ai d’abord travaillé au Château de Locguénolé à Hennebont, qui avait deux étoiles Michelin à l’époque, puis mon rêve était d’officier dans un restaurant triplement étoilé, ce que j’ai eu la chance de faire aux côtés de Georges Blanc. Je suis resté sept ans avec lui, dont quatre à l’hôtel du Mandarin Oriental de Bangkok. J’ai adoré cette expérience !
 

Quels souvenirs gardez-vous de vos années passées aux côtés de Georges Blanc ?

Georges Blanc est mon père spirituel en cuisine. Avec lui, j’ai appris le goût du métier, du produit, le fait d’être proche de ses clients… Aujourd’hui je me considère comme un aubergiste moderne grâce à tout cela. C’est un grand chef dont je suis encore très proche. On s’appelle toutes les semaines et on partage des moments précieux. Je suis même le parrain de sa fille. On adore être ensemble !

Vous avez ensuite quitté l’Ain pour atterrir à Cannes, au Majestic !

Tout à fait. Malgré ces belles années, la mer nous manquait à ma femme et moi. Nous avons donc décidé de nous installer sur la Côte d’Azur, à Cannes et j’ai travaillé au Majestic pendant 14 ans. J’y ai décroché une première étoile, une deuxième, puis l’envie de nous installer à notre compte a pris le dessus !
 

Vous avez donc ouvert La Villa Archange à Le Cannet, une commune située à 10 minutes de Cannes…

Nous avons repris une bastide datant du XVIIIe siècle, un lieu au charme fou dont nous sommes tout de suite tombés amoureux. Elle appartenait autrefois à Alice Chavane de Dalmassy, célèbre journaliste du magazine Elle. Des personnalités comme Christian Dior ou Hubert de Givenchy venaient y prendre le goûter sous les arbres. Elle n’avait pas d’héritier et a légué cet endroit à la ville à son décès. Quand on l’a découvert, il était à l’abandon depuis plus de quarante ans ! Ça a été le coup de foudre. On a tout de suite eu envie de faire de cet endroit un lieu de restauration de qualité. En 2010, après deux années de travaux, on a finalement ouvert deux restaurants dans cette grande maison de 1.600m2 : un bistrot avec une cuisine de région et des produits locaux à prix abordable, mais aussi un restaurant gastronomique de seulement neuf tables, avec une très jolie cour intérieure. Ici, on est proche de la ville mais un peu à la campagne, avec beaucoup de végétation, un grand tilleul ou encore un marronnier dans le jardin.

Et quelques mois seulement après votre ouverture, vous avez directement décroché deux étoiles au Guide Michelin !

Ce fut une belle continuité après mon départ du Majestic, où j'avais déjà deux étoiles ! Mais ici, je propose une cuisine beaucoup plus personnalisée, sans contrainte. Je faisais déjà ce que je voulais avant mais là je suis décideur à 100%, je ne me pose plus de questions ! Nous avons une vraie identité, une maison de caractère, et nous offrons une belle expérience globale, de l’accueil au dîner en passant par la beauté de l’endroit.

Comment décririez-vous votre cuisine à La Villa Archange ?

Notre cuisine est une diagonale entre la Méditerranée et la Bretagne. C’est très important pour nous, c’est le reflet de notre parcours ! On y trouve beaucoup d’iode, avec des ormeaux, des langoustines, du bar, et je fais venir du beurre d’une ferme de Pont-Scorff… Bref, un tas de produits de la Bretagne que l’on aime associer avec les végétaux du Sud gorgés de soleil, comme les tomates, les fleurs de courgette, le basilic ou l’origan. C’est un mariage harmonieux entre les deux régions. Aussi, la première partie du dîner est toujours uniquement à base de végétaux, comme les carottes, les racines, les herbes, et nous faisons un vrai travail de recherche sur les légumes. En ce moment, nous avons par exemple une tartelette petits pois et menthe, un pain à la betterave avec de l’houmous de betterave ou encore une asperge blanche brûlée avec du raifort et des graines de courge.

Vos quatre années passées en Thaïlande ont-elles également une influence sur votre cuisine ?

Elles ont surtout eu une influence sur notre vie puisque nous avons adopté deux enfants là-bas ! Côté cuisine, j’ai toujours à la carte un bar avec du riz soufflé et une sauce citron-citronnelle. C’est un petit clin d'œil à la street food thaïlandaise et nos clients adorent ce plat.

Vous officiez aussi régulièrement sur le Festival de Cannes et de nombreuses stars du cinéma viennent manger à votre table !

J’ai la chance d’avoir pu réaliser de nombreux repas là-bas, dont celui du 75e anniversaire du Festival l’an dernier. J’organise toujours les déjeuners au Palais du Festival et en 2022, j’ai même fait un dîner pour Tom Cruise, sa famille et ses amis dans une villa privée louée pour l’occasion. L’avantage à La Villa Archange, c’est que les célébrités peuvent venir en toute tranquillité, sans être embêtées par 50 personnes qui veulent les photographier. Nous avons même une table d’hôtes en cuisine, que n’importe qui peut réserver pour échanger avec nous tout au long du repas.
 

S’il fait bon dîner chez vous, il paraît que vos équipes s’y plaisent également beaucoup…

J’aime le penser oui. Une des meilleures preuves est la fidélité de mon équipe. Mon bras droit Jacques di Guisto est présent depuis 23 ans, Axel Dervieux le sommelier, est là depuis plus de dix ans, tout comme Éric Descazaux mon directeur de salle. On a réussi à créer un restaurant où le social occupe une place importante. Il y a un bel équilibre entre le travail et le respect de la vie privée. On a toujours eu la particularité de fermer pendant les vacances scolaires d’hiver dans le but de passer du temps en famille. On est aussi fermés le dimanche et le lundi, même l’été. Bien sûr, c’est une période où l’on est submergé de travail, mais c’est toujours aussi agréable !