
Geoélia prend le large, plein vent dans le 16e
Tracer sa route
Geoélia emprunte son nom au voilier familial, celui des grands-parents de Camille, Georges et Éliane, avec lesquels il passait ses vacances, enfant, du côté de la pointe du Raz ; entre vents, marées et beurre salé. Choisir ce souvenir pour baptiser son premier restaurant à Paris n'est évidemment pas anodin. Sans mauvais jeu de mots, c'est un ancrage fort, mais plus encore un cap qu'il se donne. Celui d'une cuisine iodée à l'ambition étoilée. Le jeune chef n'en est pas à son coup d'essai. Avant même d'obtenir la distinction du Michelin dans un lieu aussi atypique que la Villa9Trois, Camille avait travaillé au Taillevent époque Alain Solivérès, au palace Shangri-La avec Christophe Moret, au Cinq avec Christian Le Squer, sans oublier de voyager en Australie et à Londres.
-
Camille Saint M’leux © Florence Valencourt
À présent qu'il est chez lui et qu'il a toute liberté pour créer le restaurant de ses rêves, il l'a pensé dans les moindres détails. Et s'il n'avait pas initialement dans l'idée de reprendre le vieux Tang à l'angle des rues La Tour et Mignard, Camille Saint M'leux est tombé sous le charme de ce lieu chargé d'histoire et reconnaît : « Ouvrir dans le 16e, c'est assumer d'être l'ambassadeur d'une certaine tradition ». Celle du grand restaurant, avec nappes blanches et drapés, juste contrebalancés par du béton brut, de grandes baies vitrées et des lumières millimétrées pour la modernité. Sans oublier une cave splendide, avec déjà plus de 300 références. Un lieu à l'image de sa cuisine, à la fois assez brute mais très construite.
Une carte limpide, entre iodé et fumé
Ce soir-là, la traversée fut splendide de bout en bout. Accueil du directeur de salle en chaussons vénitiens (sont-ils autorisés sur un bateau ?), présentation du menu, amuse-bouche servis en cuisine : splendide tartelette petits-pois. En première entrée on retrouve le bulot – souvenir d'enfance du chef - qui nous avait déjà séduit à Montreuil, mais ici il a encore gagné en puissance. La nage dans laquelle il est servi est d'une salinité parfaitement maîtrisée. L'araignée, juste assaisonnée et servie avec une mayonnaise coraillée, donne clairement la sensation d'être à la pêche à pied à grande marée. Pour peu, on entendrait la mer... La sucrine braisée montre que le chef maîtrise ses classiques, mais sait se les approprier, preuve en est faite avec ce jus de homard et cette sauce Grand Veneur qui l'emmènent dans une autre dimension. Franchement, on ne pensait pas ressentir une telle émotion avec une sucrine !
-
© Florian Domergue
La suite va encore crescendo, avec le homard, que le chef qualifie de « gibier de la mer » qu'il fait suivre en toute logique d'un beau pigeon cuit sur le coffre, qui se marie parfaitement avec le vin de Galice choisi par la sommelière. Place enfin à la star du menu, le plat que le chef avait présenté en finale de concours et qui avait déjà fait sa renommée à la Villa9Trois : le « bœuf jersiais au charbon, lard de seiche, œufs de hareng fumés ». Sans mentir, il a encore gagné en qualité. Un vrai petit Soulages. Le chef s'en explique : il le présente aujourd'hui en deux services et a troqué le paleron pour le faux-filet.
-
Bœuf © Florian Domergue
Pour la partie sucrée, place au show avec une glace au lait de jersiaise et des cerises flambées au kirsch et au porto, devant les convives. Toujours son petit effet et une belle mise en avant de l'art du service à la française. Final sur une magnifique rhubarbe cuite en croûte de sucre. Après un tel dîner, on a fait l'impasse sur le café, mais il paraît que son cérémonial vaut le détour.
Un réel plaisir de suivre un chef dont on aime la cuisine et la personnalité – discrète mais déterminée – en pleine ascension.
Ce qu'il faut retenir ?
Camille Saint M'leux chez lui, c'est Camille Saint M'leux en mieux. Une personnalité de chef qui s'affirme pleinement, une cuisine qui gagne en épure et en maturité. Et enfin une carte des vins où il peut donner la réplique à ses plats et assouvir sa passion. Une table qui ne navigue pas à vue mais qui tient le cap en naviguant aux étoiles.
Geoélia
Ouvert du lundi au vendredi, au déjeuner et au dîner
125 rue de la Tour, Paris 16e
Deux menus dégustation :
en 5 plats à 125 €, en 7 plats à 160 €
Ainsi qu'à la carte.
Vins au verre à partir de 14 €