
Le Restaurant des Rois, un balcon étoilé sur la Méditerranée
«La Réserve », une histoire, une qualité
Tout a commencé ici par un excellent restaurant de poissons… En 1880, le restaurateur niçois Pierre Lottier a l’idée d’ouvrir à Beaulieu un restaurant de luxe en bord de mer, avec un bassin pour stocker les prises des pêcheurs locaux et servir les poissons tout frais. Ce vivier naturel est vite surnommé « la Réserve » (de Beaulieu). Le restaurant de la Côte d'Azur devient immédiatement le spot à la mode, où se croise toute la belle société de l’époque, la reine Victoria, le roi de Belgique Léopold II, le roi de Suède Gustav V... D'où le surnom qui lui est alors donné et qui lui est resté. Au fil du temps, un hôtel vue mer majestueux se construit tout autour, s'enrichissant chaque année de nouveaux atours, mais le restaurant gastronomique demeure le joyau de la couronne, si l'on peut dire.
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© Florence Valencourt
Sous l'impulsion de Nicole et Jean-Claude Delion, un couple d'hôteliers passionnés propriétaires de La Réserve de Beaulieu depuis 1997, elle devient même rapidement la destination préférée des esthètes en quête de simplicité raffinée. Le « quiet luxury » à son apogée, le côté chaleureux d'une maison de famille en plus.
Il en va de même pour le chef Julien Roucheteau, à qui Madame et Monsieur Delion font appel en 2019 pour présider aux destinées du Restaurant des Rois. Un chef discret, plutôt sur la retenue, mais dont le talent et la personnalité singulière ne tardent pas à sauter aux yeux dès qu'on goûte à sa cuisine. D'ailleurs, l'année où il rejoint La Réserve de Beaulieu, après avoir dirigé la table de l'Hôtel Lancaster – à qui il offre une seconde étoile en 2015 - et la Scène Thélème, il gagne le col bleu blanc rouge de MOF et son chef pâtissier, Benoît Jabouille, se voit décerner le prix « Passion Dessert » par le Michelin. Depuis ces débuts sous les meilleurs auspices, le duo a su affirmer une belle identité culinaire qui font du Restaurant des Rois, dit-on l'un des « secret de connaisseur » les mieux gardés de la Côte d'Azur... Et nous donne envie d'aller découvrir cette pépite sans plus attendre.
La Riviera en majesté
Difficile de faire plus sidérant de beauté que cette terrasse sur la Méditerranée. Nichée dans une crique paradisiaque juste après Saint-Jean-Cap-Ferrat, La Réserve de Beaulieu a la chance rare d’être située directement au bord de l'eau. Sa jetée privée et son immense piscine miroir font face à l’infini de la mer, ses terrasses et balcons surplombent un panorama tout simplement magique : la baie de Villefranche-sur-Mer d’un côté, le petit port de Beaulieu-sur-Mer de l’autre. Pour la cuisine, rivaliser avec un tel spectacle n'est pas chose aisée, pourtant, le chef et sa brigade semblent bien décidés à y parvenir.
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© Florence Valencourt
Les amuse-bouche plantent le décor à leur manière, dans un beau crescendo de saveurs niçoises. L'oshibori à la lavande (ndlr : la petite serviette rafraîchissante devenue gimmick des adresses chic) clôt joliment ces préliminaires. Arrivent alors le pain et le beurre maison, à la criste marine et au poivre de Sim. On ne dira jamais assez combien on aime ces beurres travaillés pour exprimer une identité (sans tomber dans l'excès). Mais, place au tourteau en deux services, dont l'intitulé est le suivant : « Gavottes d’effiloché de tourteau croustillantes, houmous à l’estragon, sa pince toute en légèreté d’une émulsion au gingembre ». Le chef, qui donne un qualificatif/une thématique à tous ses plats a désigné celui-ci comme représentant la « fraîcheur ». De fait, c'est l'impression que nous laisse cette première entrée à la dernière bouchée. Avec un beau Saint-Aubin 1er cru.
La seconde, autour du petit pois (également en deux services), est une révélation. Une démonstration, même, de l'art consumé du chef pour sublimer un produit simple en jouant sur les températures et les textures, le classique et le surprenant, la technique et l'émotion. Le sorbet surmonté de ses cosses frites restera dans notre mémoire. Ce d'autant que le vin servi – un Canereccia vinifié en amphore (bravo à la sommelière) – change de tonalité selon la bouchée, chaude ou froide.
La langoustine, sous le vocable « épicé » dans le menu, étonne : dressage d'une grande finesse, mais goûts ultra puissants. Là, encore, chapeau à la sommellerie qui réussit un accord intéressant alors que le chef met la barre très haut avec ses plats punchy et en deux services le plus souvent.
Les desserts du chef pâtissier affichent la même vivacité. D'ailleurs, c'est l'adjectif choisi pour décrire son premier dessert : « Bouquet de rhubarbe pochée au naturel, subtil sorbet aux effluves de sauge blanche ». Quant au second, des « Fraisettes varoises confites dans leur jus, effluves de courgette longue niçoise au lait d’amande, givré de feuilles de baie rose, vinaigrette ocre perlée », c'est une merveille de complexité tout autant qu'une belle évidence gustative. Un magnifique repas, beaucoup plus rock'n'roll que le nom du restaurant ne l'aurait laissé présager de prime abord. Comme le chef Roucheteau l'explique : « Ma cuisine est sur les acides. J'aime jouer. Style et rigueur, c'est mon ADN ». Preuve par l'exemple que pour être un vrai punk, en cuisine comme ailleurs, il faut maîtriser les codes avant de s'en jouer.
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La rhubarbe
Ce qu'il faut retenir ?
Un décor époustouflant, une cuisine à la fois élégante et percutante, un service parfait. Qu'attend donc le Guide Michelin pour lui décerner les deux étoiles tant méritées ? Et la distinction Palace, pendant qu'on y est !
Les prix : au choix, à la carte ou au menu. Menu Découverte (4 temps) 195€, Menu Gourmet (5 temps) 225€, Menu Carte Blanche 295€
Le Restaurant des Rois
La Réserve de Beaulieu
5, Boulevard du Maréchal Leclerc 06310 Beaulieu-sur-Mer
Service tous les soirs, de 19h30 à 21h30 (Tenue chic-décontractée demandée)
reservebeaulieu.fr